Motion relative à la loi Elan et ses conséquences sur le logement des personnes handicapées et des personnes âgées

Session de juin 2018 | Motion

Motion relative au logement des personnes handicapées et des personnes âgées

Suite à une question d’actualité de Michèle PILOT sur les conséquences de la loi ELAN sur le logement des personnes handicapées et des personnes âgées, le Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a adopté le 27 juin 2018 la motion déposée initialement par le Conseil Départemental de la Citoyenneté et de l’Autonomie relative à cette question.

La motion

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Le Conseil Départemental de la Citoyenneté et de l’Autonomie du Département de Meurthe-et-Moselle, a pris connaissance des dispositions du projet de loi ELAN et s’est penché tout spécialement sur celles concernant le logement des personnes handicapées et des personnes âgées.

Il a été particulièrement ému par les dispositions de l’article 18 dudit projet qui prévoit qu’un dixième seulement des logements (et au moins un) dans les bâtiments d’habitation collectifs neufs devraient être accessibles, les autres logements devant être évolutifs c’est-à-dire susceptibles d’être  » rendus accessibles à l’issue de travaux simples ».

Selon lui, elles constituent en effet une importante et regrettable régression, laquelle aura par ailleurs des conséquences très graves sur le volume de logements accessibles dans l’avenir.

Elles sont enfin en totale incohérence avec la volonté politique affichée par le gouvernement.

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  • Cet article 18 constitue une régression car la notion même de quota, abandonnée par le législateur de 1975, induit une ségrégation inadmissible dès lors que les personnes handicapées et les personnes âgées n’auront plus qu’un choix très limité de logements disponibles. Une partie de la population sera ainsi assignée à des lieux non choisis aboutissant de fait à une véritable discrimination déjà condamnée à ce titre par le Défenseur des Droits. Il peut être ajouté que cet article 18, tel que rédigé, serait contraire aux dispositions de la Convention des droits des personnes handicapées des Nations Unies ratifiée par la France en 2010. D’ailleurs, la Rapporteure spéciale des Nations Unies a dans son pré-rapport sur la France, rappelé que  » les personnes handicapées, y compris celles nécessitant un fort accompagnement, doivent pouvoir vivre en société et choisir elles-mêmes leur lieu et mode de résidence ».
  • Ces quotas instaurés par l’article 18, auraient de surcroît des conséquences catastrophiques puisque réduisant à 10 % seulement le nombre à construire d’appartements au rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur accessibles sans travaux, les autres 90 % devant être « évolutifs » comme indiqué ci-dessus. En effet :
  • Ce quota est tout à fait insuffisant puisque le taux de prévalence du handicap est de 15 % de la population selon l’OMS et que l’augmentation en âge de la population (18,8% de la population a plus de 65 ans en 2016-sources INSEE) imposera bientôt l’exigence d’une hausse importante du nombre de logements accessibles pour faire face au maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie.
  • Il est d’autant plus insuffisant que le gouvernement a refusé de modifier la règlementation selon laquelle la mise en place d’un ascenseur n’est obligatoire qu’à partir du quatrième étage alors que les associations, dans le but d’atténuer les conséquences du quota, demandaient l’abaissement du seuil à trois étages, demande d’autant plus justifiée que l’on construit majoritairement aujourd’hui des bâtiments de trois étages.
  • Il est de surcroît d’autant plus insuffisant que le stock d’appartements accessibles disponibles est déjà dramatiquement insuffisant, qu’un accès à un logement social n’aboutit qu’après plusieurs années et qu’il y a une difficile concordance entre une demande éligible et un logement accessible disponible.
  • Enfin, ce quota très insuffisant ne pourra aucunement être compensé par le recours aux logements dits « évolutifs » alors que nul ne sait ce qu’est un tel logement, que la faisabilité technique de la transformation en logement accessible n’est aucunement assurée et que la prise en charge des coûts n’est pas précisée.
  • Pour terminer, les dispositions de l’article 18 sont en incohérence totale avec les politiques publiques en direction des personnes handicapées et en perte d’autonomie, telles qu’elles ont été annoncées par la Secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées. Elles visent effectivement à promouvoir une société inclusive, une transformation dans ce but de l’offre médico-sociale, le libre choix de vie et tout spécialement celui de vivre à domicile. Il faut à cela ajouter l’objectif déclaré de la Ministre de la Santé visant à atteindre un taux de 66% d’hospitalisation ambulatoire d’ici 2020.

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C’est pour l’ensemble de ces motifs que le Conseil Départemental de la Citoyenneté et de l’Autonomie de Meurthe et Moselle demande en conséquence :

  • Le retrait ou en tout cas la modification substantielle de l’article 18 du projet de loi instaurant un quota de 10% de logements accessibles,
  • L’instauration et l’adoption définitive du principe de la « conception universelle » tel que prévu par l’article 2 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées qui préconise de promouvoir « la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous dans la mesure du possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale ».