Session de novembre 2019 | Questions d’actualité
Question de Valérie BEAUSERT-LEICK
1ère vice-présidente
Monsieur le Président,
La loi de programmation relative aux finances publiques 2018- 2022 a mis en œuvre un pacte financier entre l’Etat et des collectivités territoriales dit « Pacte de Cahors » visant à réduire le déficit public selon les propos du Gouvernement.
Ces contrats d’une durée de trois ans prévoient que les 322 plus importantes collectivités territoriales – dont les dépenses de fonctionnement dépassent les 60 millions d’euros – soient soumises à une limitation de leurs dépenses de fonctionnement de 1,2 % par an, inflation comprise.
Notre collectivité fait partie des 53 Départements non signataires de ce pacte. Elle est entrée en contentieux juridique avec l’Etat, comme 7 autres départements, pour dénoncer la philosophie et les modalités d’application de ce pacte qui réduit considérablement le principe d’autonomie des collectivités locales et territoriales.
En effet, les principes-mêmes de la décentralisation sont mis à mal : ce dispositif ne prend pas en compte les spécificités territoriales, ni l’augmentation du poids des politiques publiques (ASE, perte d’autonomie, MNA et bientôt augmentation forte du RSA, conséquence de la politique chômage actuelle). Il limite de façon arbitraire les choix relatifs aux augmentations des dépenses de fonctionnement. Pire, en cas de dépassement, nous risquons de nous voir appliquer une reprise sur nos recettes versées par l’Etat à hauteur de l’excédent constaté.
Pour notre Département, trois engagements majeurs, croisant par ailleurs des priorités nationales, priorités portées par l’Etat, ne seront pas neutralisés en termes de dépenses nouvelles de fonctionnement :
> l’expérimentation sur la tarification de Services d’Accompagnement et d’Aide à Domicile, soit 970 000 €,
> la nouvelle tarification de la restauration scolaire des collèges, soit 800 000 €,
> les dépenses nouvelles au titre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, soit 1 370 000 €.
Ce dispositif nous empêche d’accompagner l’émergence de besoins sociaux nouveaux, je le répète, cela va à contre sens de la libre administration des collectivités territoriales.
Monsieur le Président, en cette période de débat d’orientation budgétaire, je souhaiterais connaitre votre position sur ce sujet.
Je vous remercie.
Réponse de Mathieu KLEIN, président
En ce qui concerne le Pacte de Cahors, les choses sont aujourd’hui posées, nous attendons d’ailleurs la décision de la justice puisque nous faisons partie des 53 départements qui n’ont pas signé le Pacte de Cahors et des 8 départements qui ont attaqué en justice la notification [de taux d’évolution des dépenses de fonctionnement] qui leur a été faite par l’Etat.
Je crois que je peux en témoigner, à l’issue des derniers échanges qui ont eu lieu au sein de l’ADF lors du congrès à Bourges, ou lors des différentes réunions de bureau, il y a clairement – y compris parmi les départements signataires – un vrai coup d’arrêt à la construction, sur la base de cette logique. Puisque des dépenses presque obligatoires, ou des dépenses qui sont clairement liées à nos politiques centrales, politiques de solidarités, sont aujourd’hui soumises au régime du cap des 1.2%.
Un exemple très concret : lorsque nous sommes retenus dans le cadre de l’appel à projets du CNSA à hauteur de près d’un million d’euros pour commencer à financer une restructuration de la reconnaissance du métier d’aide à domicile, et donc du financement des secteurs d’aide à domicile, qui est un enjeu absolument majeur. C’est un appel à projets de l’Etat qui engage près d’un million d’euros de recettes de l’Etat pour le Département. Si nous mettons en oeuvre en dépenses cette recette qui nous est amenée par l’Etat, et bien l’Etat nous prélèvera – si cette dépense nous engage à dépasser les 1.2% – sur notre dotation de fonctionnement. Il y a une absurdité à cette logique qui n’est absolument pas vertueuse, puisque, pour ce qui nous concerne, elle ne vient que reconnaître un effort de gestion que nous faisons depuis longtemps, sans que l’Etat nous le demande puisque nous sommes en dessous des 1.2% depuis longtemps. Mais dans le contexte de l’évolution démographique avec le vieillissement de la population, d’une part, dans le contexte de la crise continue de la protection de l’Enfance, d’autre part – qui s’exprime en Meurthe-et-Moselle et partout en France : la réalité du nombre d’enfants ne fait qu’augmenter, la complexification des situations, le fait que de nombreux enfants qui devraient relever d’une prise en charge hospitalière, psychiatrique ne peuvent pas être pris correctement en charge et sont donc à l’Aide sociale à l’Enfance par défaut de solution alternative… et pèsent donc sur les coûts de l’Aide sociale à l’Enfance.
Toutes ces réalités-là aujourd’hui évidemment sont insensibles à un pacte de Cahors, puisqu’elles ne sont pas le fait de décisions politiques d’une assemblée qui ne saurait pas gérer. Elles sont le fait d’évolutions de la démographie et d’un contexte social sur lequel nous avons à répondre.
Donc oui, le pacte de Cahors est absurde ! Et j’espère qu’à l’issue de ces 3 années (puisqu’il a été programmé pour 3 années) que le gouvernement abandonnera cette logique, qui n’est pas une logique de soutien aux politiques publiques locales ; et qui n’est pas non plus une logique qui permet d’améliorer la situation financière de nos collectivités. La notre est parfaitement maîtrisée de ce point de vue là, que ce soit au niveau d’une fiscalité inchangée, d’une dette maîtrisée et de dépenses de ressources humaines là aussi largement maîtrisées, d’une dépense d’investissement à la hausse… Je ne referai pas l’ensemble de l’argumentaire.
Nous le signifions dans le rapport d’orientation budgétaire, il faut que nous soyons lucides : ce n’est pas seulement le cas de la Meurthe-et-Moselle, l’écrasante majorité des Départements, cette année est en dessous de 1.2%. Il y a, je crois, 2 ou 3 Départements qui ont dépassé les 1.2% et qui se sont vus sanctionnés par l’Etat. Nous passerons l’année prochaine – c’est un constat qui est fait collectivement – à une soixantaine de Départements qui s’affranchiront du 1.2% à rythme social constant, par la réalité démographique et sociale.
Alors, oui je le redis, je le répète, cette logique est une logique absurde. Ce n’est pas une logique qui ne répond pas de façon qualitative aux enjeux des politiques publiques dont nous avons la responsabilité. C’est une logique qui je crois ne pourra pas survivre à cette première période de 3 années ; en tout cas je le souhaite ardemment.