Session du 24 septembre 2018 | Question au préfet de Meurthe-et-Moselle
Nouvelles dispositions relatives à l’évaluation des MNA
Question de Catherine BOURSIER, déléguée au Territoire Val de Lorraine
Monsieur le Préfet,
Les différentes déclarations du gouvernement et les conclusions de la Mission nationale mineurs non accompagnés (MNA) 2017 avaient suscité des attentes fortes des départements concernant l’harmonisation des pratiques d’évaluation de la minorité et de l’isolement, mais également la juste compensation financière des dépenses liées à l’accueil des mineurs non accompagnés. Des attentes qui, vous le savez, n’ont pas trouvé totale satisfaction du point de vue des départements.
Certaines situations particulièrement complexes mènent à une durée d’évaluation pouvant excéder 2 mois, en raison de nécessaires investigations complémentaires qui mobilisent la Justice et l’Etat. Si la mise à l’abri est immédiate, une période d’évaluation trop longue est pénalisante tant pour le jeune confié que pour les équipes d’encadrement.
Or, les nouvelles dispositions prévoient que l’Etat assure une aide concentrée sur la phase d’accueil et d’évaluation, avec 500 euros par jeune à évaluer, puis 90 euros par jour pour l’hébergement pendant 14 jours et enfin 20 euros du 15e au 23e jour.
Si cette évolution de la prise en charge de la phase d’évaluation marque une avancée dans les négociations Départements / Etat, ce nouveau règlement nous invite, pour des raisons organisationnelles et financières, à réfléchir conjointement à une optimisation de cette procédure d’évaluation et des délais d’instruction.
Aussi, Monsieur le Préfet, le Département de Meurthe-et-Moselle souhaite pouvoir compter sur l’appui de vos services ainsi que ceux de l’Autorité judiciaire pour fluidifier cette procédure particulière d’instruction de la minorité et de l’isolement afin que les délais d’évaluation soient en cohérence avec la période financièrement couverte par l’Etat.
Je vous remercie.
Réponse du Préfet
Madame la conseillère départementale,
Comme vous le savez, l’évaluation de minorité est délicate.
En cas de doute sur la minorité, la procédure d’évaluation peut comporter plusieurs phases qui sont diligentées à la demande du président du Département.
Le référent fraude de la préfecture est ainsi amené, en lien avec un expert de la police aux frontières, à l’analyse des documents d’état civil originaux, si le jeune migrant présente de tels documents.
Sur 134 dossiers transmis par le département à mes services, 114 ont fait l’objet d’une expertise par la police aux frontières et seulement 8 mineurs présentaient des documents qui ont pu être authentifiés. 24 dossiers ont conduit à un signalement au procureur pour faux document.
La mise en place de cette analyse documentaire et la confiscation des documents non-authentiques contribue à réguler l’arrivée de jeunes. Cette phase d’expertise documentaire est primordiale.
Si le doute sur la minorité persiste, le président du conseil départemental peut également saisir l’autorité judiciaire pour solliciter des investigations
complémentaires. Le juge peut alors requérir la réalisation d’une expertise médicale pouvant conduire à un examen osseux impliquant des rendez-vous auprès de deux services du CHU. Le jeune doit, lorsque cela est nécessaire, être accompagné à chaque étape d’un interprète. Même si ces rendez-vous sont organisés dans les meilleurs délais, on comprend aisément que lorsque ces examens sont jugés nécessaires, les délais d’instruction s’allongent.
Pour fluidifier cette procédure très particulière, un projet de protocole tri-partite associant mes services, ceux du département et le procureur du TGI de Nancy est en cours d’élaboration. Il a permis à tous les acteurs d’échanger sur les difficultés rencontrées et de bâtir un protocole de travail et de collaboration.
Ce protocole, qui devrait être signé tout prochainement, devrait permettre
d’améliorer les délais d’instruction. En juin 2017, un rapport sénatorial a évalué à 40 % la population de jeunes réellement mineurs et non accompagnés. Il est donc important de bien conduire cette phase décisive.
Par ailleurs, la loi du 10 septembre 2018 pour « une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif, et une intégration réussie » autorise le relevé des empreintes digitales et d’une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement de la protection de leur famille. Lorsque les modalités d’application auront été arrêtées, ce dispositif, s’il est appliqué par les départements, évitera que plusieurs départements instruisent plusieurs procédures de minorité pour une même personne.
De plus, comme il s’y était engagé, l’État a attribué un financement exceptionnel aux départements ayant accueilli un nombre supplémentaire de MNA en 2017, par rapport à 2016. Ainsi, votre conseil départemental a obtenu 1 356 000€ de compensation (par arrêté du 23 juillet 2018) pour l’augmentation des prises en charge de MNA.
Enfin, je conclus en soulignant que mon prédécesseur et moi-même avons mis à disposition, à titre gratuit, des bâtiments appartenant à l’État, situés à Nancy et à Velaine-en-Haye, pour vous permettre de mieux prendre en charge les migrants se déclarant mineurs non accompagnés.