Question d’actualité de Gauthier BRUNNER sur l’accès aux droits des agriculteurs

Session du 30 mars 2017

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Monsieur le Président, Mes chers collègues,

Les crises agricoles de ces dernières années, les marchés qui s’effondrent n’ont cessé d’avoir des conséquences très lourdes pour les agriculteurs. Savoir s’adapter pour survivre à un coût, tout comme les mises aux normes. Mais quand les crises frappent successivement, l’endettement finit par faire d’un métier choisi par passion, un métier exercé par nécessité de survie. Et dans ces moments de détresse, une question : vers qui se tourner ?

Les agriculteurs sont devenus des travailleurs pauvres de notre société. En 2015, 30% des agriculteurs (exploitants agricoles imposés au régime réel) ont eu des revenus équivalents à 354 euros par mois. Conséquence : alors que la MSA attendait 60 000 demandes de primes d’activité pour l’année 2016, elle en a enregistré plus de 200 000 dans tout le pays.

En cas de situations plus difficiles pour les exploitants, comme le précise la loi, lorsque sa situation exceptionnelle au regard de son insertion sociale et professionnelle le justifie, le Président du Conseil Départemental peut déroger par décision individuelle à l’application des conditions particulières d’accès au RSA.

Si des mesures existent, mon inquiétude est dirigée vers l’accès aux droits et le non-recours aux droits et aux minima-sociaux. On sait que le niveau de non-recours présente un taux élevé chez les exploitants agricoles et chez les personnes vivant en milieu rural.

Est-ce que chaque agriculteur dans notre département sait qu’il peut se faire remplacer temporairement s’il est en situation d’épuisement ? Est-ce que chaque agriculteur qui a ne peut pas joindre les deux bouts à la fin du mois sait qu’il peut prétendre à la prime d’activité ?

C’est pourquoi, Monsieur le Président, je me permets de vous interroger sur l’effort de communication qui est réalisé en lien avec nos partenaires sur l’accès aux droits des exploitants agricoles et de leurs employés ?

Réponse d’Audrey NORMAND, vice-présidente déléguée à l’agriculture et l’environnement

Cher collègue,

Vous avez raison de le souligner, les crises successives des dernières années ont profondément marqué la profession agricole de notre département.

Ces derniers mois, nous avons entendu la souffrance et la colère des agriculteurs de Meurthe-et-Moselle, mais aussi leur détermination à construire des solutions pour pouvoir vivre de leur métier, de leur passion.

Ces solutions, nous les construisons quotidiennement et collectivement avec les représentants de la profession, à commencer par la chambre d’agriculture, les syndicats agricoles et les coopératives, avec l’Etat et la MSA, avec les collectivités territoriales et évidemment avec les banques.

Chef de file des solidarités humaines et territoriales, le conseil départemental est particulièrement attentif à la détresse sociale qui s’accentue dans une profession agricole en souffrance.
Depuis leur mise en place en novembre dernier, les cellules REAGIR ont mis en lumière la réalité et la profondeur de la crise économique qui fragilise bon nombre d’exploitations dans notre département.

Parmi les 78 dossiers traités à ce jour, un quart correspondait à des soucis conjoncturels, un autre quart à des situations graves nécessitant l’organisation d’un tour de table avec les créanciers avant redressement judiciaire, et la moitié restante découlait de problèmes financiers et/ou techniques pouvant être traités grâce à des ajustements.

C’est donc une vingtaine de fermes de notre département qui se trouvent aujourd’hui en grande difficulté, un chiffre sans doute largement sous-évalué parce que les solidarités familiales et paysannes fonctionnent à plein régime et jouent ainsi un rôle d’amortisseur des conséquences de la crise, parce qu’il relève d’une forme de pudeur chez bon nombre d’agriculteurs de ne pas appeler à l’aide, ou tout simplement par manque d’information.

Le taux de non-recours au RSA est particulièrement important dans la profession agricole, et notamment auprès des petits exploitants pour qui l’appellation même renvoie à un sentiment d’assistance ou de discrimination.
Combien d’entre eux savent que depuis le 1er janvier 2017, les conditions d’accès au RSA ont été assouplies pour les travailleurs indépendants, dont les exploitants agricoles quels que soient leur chiffre d’affaire ou s’ils emploient des salariés ?

Sur ces questions, c’est naturellement la MSA qui est en 1ère ligne puisqu’elle instruit les dossiers de demande de RSA et se charge de l’accompagnement social des agriculteurs, en lien étroit avec le conseil départemental notamment via les 2 conventions qui nous lient.

La MSA décline ainsi un certain nombre d’outils de communication afin d’informer les agriculteurs sur leurs droits (par exemple la ligne d’écoute de soutien psychologique aux agriculteurs et aux agents des Organisations Professionnelles Agricoles, les bulletins d’information, l’action de leur service social, etc.). Autant de dispositifs soutenus, relayés et amplifiés par le Département, comme on a pu le faire avec la promotion du dispositif d’alerte et de prévention « agri écoute ».

Parmi les 11 acteurs-clés que nous soutenons dans le cadre de notre charte agricole et qui construisent sur le terrain des remèdes à la crise, je souhaiterais citer plus particulièrement le service de remplacement, qui met à disposition des exploitants des agents capables de les seconder ou de les suppléer en cas d’empêchement ou d’absence temporaire au motif de maladie, d’accident, de décès, de maternité ou de paternité.

C’est un dispositif qui joue un rôle crucial au sein du monde agricole, en contribuant à la qualité de vie et au bien-être des exploitants et de leurs familles, tout en garantissant l’activité des salariés qui assument un total de journées de remplacement de l’ordre de 2 500 chaque année. Le service de remplacement propose également depuis 2017 un nouveau dispositif pour lutter contre le burn-out.

Mais soutenir les agriculteurs en difficultés, c’est aussi leur ouvrir de nouvelles perspectives pour l’avenir, notamment en soutenant l’approvisionnement local.

Et ce soutien à l’approvisionnement local vient encore de franchir un cap puisque nous venons d’être lauréat de l’appel à projet du ministère de l’agriculture pour le Projet Alimentaire Territorial que nous allons mettre en oeuvre sur le Sud de la Meurthe-et-Moselle et qui consiste à mettre en phase la production de denrées avec la consommation des habitants. Métropole, communauté de communes du bassin de Pompey, Pays Terres de Lorraine et du Lunévillois, chambre d’agriculture, agriculteurs bios… ce sont 11 partenaires qui sont autour de la table… et on peut être fiers je crois de cette belle démarche collective qui sera une des réponses à la sortie de crise de nos agriculteurs.