Session du 25 juin 2018 | Questions d’actualité
Michèle PILOT, présidente du groupe socialiste, écologiste et républicain et conseillère départementale du canton de Toul
Loi ELAN et personnes âgées-personnes handicapées
Monsieur le Président,
Le projet de loi ELAN voté dernièrement, soulève de nombreuses inquiétudes quant à la situation des personnes handicapées mais aussi des personnes âgées.
En effet, cette loi envisage de réduire à 10% le nombre de logements neufs accessibles aux personnes handicapées contre 100% auparavant. Les 90% devront être évolutifs ce qui marque une rupture avec le principe d’accessibilité universelle prévue par la Loi de 2005.
10% exigés dans les immeubles neufs à 4 étages. Un chiffre qui dans la pratique sera bien inférieur au vu du parc immobilier, nous serons vraisemblablement plus proche du 4%.
Une fois encore les personnes en situation de handicap ont été pointées – via les normes qui leur étaient favorables – comme des sources de contraintes « qui brident l’innovation et freinent de nombreux projets immobiliers ». Une fois encore, ce seront à eux de s’adapter – en demandant l’évolutivité d’un logement, et non à notre modèle de s’adapter à tous, personnes à mobilité réduite et personnes âgées comprises !
Comment peut-on parler d’une « loi du logement pour tous » quand elle constitue une véritable régression quant aux droits des personnes en situation de handicap. Cette loi est une véritable régression par rapport à la Loi de 1975 et à la loi de 2005 et met à mal l’idéal d’une société accessible et inclusive.
Quand on écoute le rapporteur du texte, Monsieur le député Lioger sur les raisons, on comprend qu’il fallait pouvoir construire plus de logements, plus vite, moins cher et dans les meilleures conditions. Il ajoute que cela répondait à un besoin des familles.
Si certains arguments peuvent s’entendre, il n’en reste pas moins qu’une loi pour répondre aux besoins de société doit prendre en compte l’ensemble des évolutions de société.
Ainsi, cette loi n’anticipe pas du tout la question du vieillissement de la population qui nécessitera un plus grand nombre de logements adaptés garants du maintien des personnes à domicile.
Nous sommes face à une loi contraire à l’engagement présidentiel en faveur des personnes en situation de handicap.
En effet, la personne en situation de handicap qui ne bénéficiera pas d’un logement accessible car il n’y en aura pas de disponible partout, devra entreprendre des démarches pour faire adapter son logement. L’ANAH et la MDPH devront être sollicitées alors même que leurs ressources ne sont pas extensibles.
Nous serons face à des logements qui coûteront plus chers à être refaits que s’ils avaient été adaptés dès le départ.
Je reste également dubitative quant à la notion de logements évolutifs, c’est-à-dire adaptables avec de simples travaux.
Monsieur le rapporteur du projet de Loi reconnaissant que la notion devra être précisée mais que cela comprend les travaux de cloison.
Pour ma part je regrette que cette loi cloisonne les personnes en situation de handicap et les personnes âgées du reste de la société.
Je tire aujourd’hui la sonnette d’alarme car nous devons être à l’écoute de ceux qui en ont besoin.
Aussi, Monsieur le Président, je souhaiterais savoir comment nous pourrions agir avec les bailleurs sociaux, et notamment MMH pour corriger ce qui constitue une méconnaissance impardonnable du quotidien et du parcours du combattant de nombre de nos concitoyens.
Je vous remercie.
Réponse d’Annie SILVESTRI, vice-présidente déléguée à l’autonomie
Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,
Comment ne pas partager votre indignation à l’égard d’une loi et notamment de son article 18 qui fixe ce quota incompréhensible de 10 % que le Président Mathieu Klein et moi-même condamnions dès le 5 juin dans une déclaration commune. Nous dénoncions un recul social car l’adaptation des logements est une condition essentielle du maintien à domicile auquel aspire 90 % des Français.
L’implication dans la vie politique, l’accès à l’information et à l’ensemble des droits ouverts à tout citoyen, la liberté de choix réel de son habitat… voilà autant de marqueurs d’une société inclusive. Le schéma départemental de l’autonomie que nous avons adopté à l’unanimité le 26 juin 2017, il y un an presque jour pour jour, affirmait une ambition forte : faire changer le regard sur la perte d’autonomie en posant la question de la place qu’accorde notre société aux personnes en situation de dépendance. En Meurthe-et-Moselle nous répondons résolument à cette question par un principe d’action fort : penser la cohésion sociale à partir des plus fragiles. Cela consiste à garantir à tous un environnement bienveillant pour ne pas avoir à mettre en scène la singularité du manque d’autonomie.
Or l’article 18 de la loi ELAN, en réintroduisant la notion même de quota pourtant abandonnée depuis 1975, réintroduit la singularité du handicap et du grand âge. Outre le caractère contestable du principe même de quota, on peut s’interroger sur l’analyse de besoin qui a conduit à son élaboration. Les 10 % envisagés sont de ce point de vue très insuffisants dans la mesure où les personnes handicapées représentent à elles seules 15 % des Français[1] et que le vieillissement général de la population nécessitera une augmentation du nombre de logements accessibles. Permettez-moi de citer à ce propos la motion relative à la loi ELAN récemment adoptée par le Conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie de Meurthe-et-Moselle et pour qui – je cite – « une partie de la population sera assignée à des lieux non choisis aboutissant de fait à une véritable discrimination ».
Enfin, la notion même de logement « évolutif » envisagé par la loi est trop floue. Surtout, les spécialistes de la construction neuve s’accordent en général pour considérer que l’adaptation des logements dès leur conception est d’un coût moindre que des travaux de mise aux normes ultérieurs.
En contrepoint au parti pris de la loi ELAN, je voudrais rappeler les orientations données par le Département à son principal opérateur en matière de logement social. Ainsi mmH ne transige-t-elle pas sur l’accessibilité des logements aux personnes âgées et handicapées. C’est la raison pour laquelle les futurs programmes de constructions neuves comprendront toujours 100 % de logements accessibles dans les conditions de la réglementation actuelle [2]. J’exprime ici le vœu, au nom de notre assemblée, que cette orientation demeure partagée par l’ensemble des bailleurs sociaux Meurthe et Mosellans.
Le Conseil départemental par la voix de son Président saisira le Gouvernement et se fera l’écho des préoccupations exprimées par votre question d’actualité en réaffirmant son attachement au maintien du cadre législatif actuel qui impose 100 % de logements neufs accessibles.