Question d’actualité | Michèle PILOT sur le versement du RSA aux salariés non vaccinés suspendus

Session départementale du 22 novembre 2021 | Questions d’actualité

Versement du RSA aux salariés non vaccinés suspendus de leur emploi

Michèle PILOT, présidente de groupe
Vice-présidente déléguée aux ressources humaines, conseillère départementale du canton de Toul

Madame la Présidente,

Début novembre, le Gouvernement a unilatéralement annoncé l’attribution du revenu de solidarité active aux salariés suspendus de leur emploi, en raison du non-respect de l’obligation vaccinale.

Pour protester contre cette mesure, une quinzaine de conseils départementaux ont déploré le risque d’un traitement à deux vitesses des allocataires du RSA, mais aussi soulevé l’état d’impréparation des pouvoirs publics de l’État concernant les ressources des personnes concernées. Ils s’en sont justifiés dans un courrier au Premier ministre Castex avant que l’Assemblée des départements de France ne s’indigne à son tour. Dans un communiqué publié le 2 novembre, l’ADF évoque même, à juste titre, un « bricolage de dernière minute ».

Face à cette situation, nous sommes clairement en désaccord avec la décision du Gouvernement, sur la forme comme sur le fond. La forme est effectivement brutale, c’est un symbole du mépris de ce gouvernement vis-à-vis des conseils départementaux, qu’il met au pied du mur. Le fond de la décision, quant à lui, risque de créer deux types de bénéficiaires du RSA : ceux dont l’objectif est de reprendre une activité et ceux qui attendent la levée des mesures de restrictions sanitaires liées à la vaccination pour reprendre l’activité qu’ils n’auraient jamais interrompue autrement. Nous ne pouvons pas l’accepter.

Madame la Présidente, pourriez-vous nous apporter des informations sur cette situation ?

Je vous remercie.

Réponse de la présidente du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, Chaynesse KHIROUNI

Chère Michèle, Chers collègues,

La décision de l’Etat d’accorder le bénéfice du revenu de solidarité active aux salariés dont le contrat a été suspendu pour absence de passe sanitaire est le reflet des manières de faire contestables du gouvernement vis-à-vis de ses partenaires territoriaux, mais aussi des personnes concernées.

En effet, cette modalité d’attribution du RSA, dérogatoire au droit commun bien que légalement possible, n’a fait l’objet d’aucune concertation ni même information de la part du gouvernement vers les Départements. Ils sont pourtant les principaux financeurs du RSA avec un reste à charge annuel pour la Meurthe-et-Moselle qui, je le rappelle, dépasse les 70 millions d’euros.

La décision a été portée à notre connaissance, comme ça a été le cas pour d’autres Départements, dans le cadre de nos échanges réguliers avec la Caisse d’allocations familiales.

Nous nous sommes exprimés d’une seule et même voix au sein de l’ADF pour déplorer l’unalitéralisme du gouvernement qui traduit le peu de considération qu’il témoigne à l’égard des collectivités locales et de leur avis.    

Au plan purement juridique,  l’article R262-12 du code de l’action sociale et des familles précise qu’il est envisageable d’attribuer exceptionnellement le RSA « lorsqu’il est justifié que la perception de ses revenus est interrompue de manière certaine et que l’intéressé ne peut prétendre à un revenu de substitution ». Cet article pourrait justifier l’attribution du RSA aux personnes non-vaccinées.

Par ailleurs, selon la loi de 2008, si le RSA est un revenu d’insertion lié au principe des droits et devoirs, il a d’abord pour objet, je cite, « d’assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence, afin de lutter contre la pauvreté ». Si le mot « convenable » est discutable pour qualifier un revenu dont le socle n’atteint pas les 600 euros, le Département défend cette conception des minimas sociaux comme le dernier filet de sécurité dont les citoyens peuvent bénéficier lorsqu’ils n’ont plus aucune autre ressource.

En matière de RSA, la CAF est compétente en ce qui concerne l’instruction des droits et le versement à l’allocation. Elle transmet tous les mois un appel de fonds au Conseil départemental qui lui reverse ensuite les sommes correspondantes. Ainsi, la décision d’accorder ou non le bénéficie du RSA aux personnes non-vaccinées dont le contrat de travail a été suspendu revient à la CAF et si elle décide de l’octroyer, ce qui semble se dessiner, alors le Département paiera l’allocation.

Nous n’avons pour l’instant aucune communication officielle de la CAF à ce sujet. Nous ne disposons pas non plus de sa part d’information sur le nombre de personnes potentiellement concernées sur le territoire.

En définitive, le Département de Meurthe-et-Moselle dénonce l’intention de l’Etat de faire porter aux Départements sans les consulter le coût de ses propres décisions. La possibilité de verser l’allocation chômage aurait pu être étudiée, ces personnes auraient alors bénéficié d’un montant dans la majorité des cas supérieur au montant du RSA même majoré.

Je vous remercie.