Session du 16 décembre 2019 / Questions d’actualité
Services d’aide à domicile
Michèle PILOT
Présidente du groupe socialiste, écologiste et républicain
Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le Président, Mes chers collègues
Régulièrement durant nos récentes sessions, nous attirons votre attention sur la situation des Services d’Aides et d’Accompagnement à Domicile (SAAD).
Tout en regrettant que ce dispositif ne soit pas à la hauteur de l’enjeu, la branche de l’aide à domicile nécessitant, non pas une mesure de soutien ponctuelle, mais bien une véritable réforme de fond au niveau national, nous réfléchissons ensemble à préfigurer un nouveau modèle de financement des SAAD, qui comporte en fait des similitudes importantes avec celui déjà en place en Meurthe-et-Moselle depuis 2013, pour les 9 SAAD habilités à l’aide sociale et tarifés.
En effet, toutes les structures intervenantes au domicile des personnes âgées et / ou en situation de perte d’autonomie sont en difficulté.
Comme nous l’avons régulièrement indiqué, ces difficultés structurelles dépassent largement le cadre de nos limites départementales, en périmètre et en compétence. Nous attendons avec impatience le projet de loi sur le Grand Age et l’Autonomie, objet de nombreuses consultations et concertations durant ces derniers trimestres..
Notre tarification horaire vis-à-vis des structures concernées se situe dans la fourchette haute de la moyenne nationale. Nous tentons d’accompagner au mieux les SAAD afin qu’ils puissent rendre les meilleures prestations aux personnes bénéficiaires en garantissant des conditions de travail acceptables pour les aidants à domicile. .
Ces thématiques ont bien évidemment étaient abordées dans le cadre des Assises départementales de l’Autonomie que nous avons organisées en février 2019 réunissant plus de 500 participants au Conseil Départemental. Les conclusions de ces rencontres ont été versées au débat national sur le sujet.
Monsieur le Président, je connais l’engagement de notre collectivité au service des SAAD et de leurs salariés dans l’intérêt des personnes accompagnées, pourriez-vous nous indiquer les nouvelles démarches engagées par notre Département sur ce dossier.
Je vous remercie
Réponse d’Annie SILVESTRI
Vice-présidente déléguée à l’autonomie des personnes
Comme le 30 janvier 2018 et cette fois rejoint par les Services d’aide à domicile (SAAD), les agents et les organisations syndicales des EHPAD et des SAAD se sont mobilisés en juin dernier pour dénoncer les conditions de réalisation de leurs missions. Comme en 2018, le président et moi-même avons témoigné de notre solidarité à l’égard de ce mouvement dont l’enjeu central est avant tout le bien être de nos aînés, qu’ils soient accompagnés à domicile ou en établissement.
A l’issue de la mobilisation de 2018, le Conseil départemental décidait d’ailleurs d’ouvrir un large débat en Meurthe-et-Moselle afin de prolonger ce mouvement social et de faire avancer la question de la prise en charge et l’accompagnement digne de la perte d’autonomie. Ce fut l’enjeu majeur des Assises de l’autonomie qui se sont tenues les 5 et 6 février 2019 après avoir été préparées en partenariat avec les grands acteurs de la perte d’autonomie du département de Meurthe-et-Moselle.
Les Assises de l’autonomie ont réuni plus de 500 personnes auxquelles ils convient d’ajouter les 1000 Meurthe-et-Mosellans qui ont répondu à l’enquête citoyenne en ligne initiée par le Conseil départemental. L’ensemble de ces contributions a été formalisé dans des actes et versé au débat grand âge et autonomie lancé par Agnès Buzyn en 2018 et qui a abouti à l’élaboration du rapport Libault de mars 2019.
La position du Conseil départemental est constante : la Meurthe-et-Moselle est déterminée à relever le défi de l’allongement de la durée de vie. Le schéma de l’autonomie adopté à l’unanimité en juin 2017 constitue la feuille de route de cette ambition. Son déploiement, en lien avec ses partenaires, est cependant fragilisé par un système national d’accompagnement et de financement de la perte d’autonomie à bout de souffle et générateur de grandes injustices : un reste à charge trop élevé pour les résident-e-s des EHPAD et des services d’aide à domicile qui sont confrontés à l’épuisement de leur modèle économique, mettant en péril la réponse à la principale aspiration des personnes âgées : vivre chez soi dans de bonnes conditions.
Au-delà des services d’aide à domicile, l’ensemble des métiers de l’autonomie souffre de rémunérations inadaptées, trop faibles et parfois d’inégalités territoriales en raison d’une concurrence délétère avec les pays voisins qui offrent des rémunérations supérieures. Nous demandions aussi un financement plus équilibré de l’APA domicile assurée à 70% par les Département alors que le principe initial était la parité Etat – Conseils départementaux.
Si le rapport Libault prend la mesure des enjeux de la transition démographique liés au vieillissement de la population, il ne prend pas suffisamment la mesure des enjeux le maintien à domicile. En effet, si la volonté de 90% des Français est de vieillir chez eux, les garants de ce choix sont les SAAD. Or, leurs équilibres financiers sont extrêmement fragiles. La définition d’une tarification horaire plancher des SAAD proposée par le rapport est certes positive mais le niveau retenu – 21 € (plus 3 € pour améliorer la coordination, la formation et la rémunération des salariés) est insatisfaisant. En effet, alors que 85% des heures effectuées en Meurthe-et-Moselle sont déjà facturées à près de 24 €, ce montant s’avère encore insuffisant pour garantir le fonctionnement de la plupart des SAAD.
La capacité des SAAD à proposer une offre adaptée aux besoins des usagers se heurte, en outre, comme dans les EHPAD, a de graves difficultés de recrutement et un absentéisme lié à la fatigue professionnelle. Or, la revalorisation des métiers de l’aide à la personne et l’augmentation de 25% du taux d’encadrement qui apparaissent à juste titre comme des priorités du rapport Libault, ne peuvent se concevoir indépendamment d’une augmentation des rémunérations. Comment la garantir sans une hausse significative de la tarification des prestations ?
Le 18 juin dernier dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de soutien aux services d’aide à domicile portée par le Conseil départemental, les SAAD de Meurthe-et-Moselle ont résolu d’exprimer leurs inquiétudes et leurs attentes dans un courrier commun d’alerte à l’attention de Mme Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé.
Ce courrier a été cosigné par Mathieu Klein et moi-même afin de témoigner du soutien du Conseil départemental à cette initiative et a été présentée à la presse car la crise profonde que traverse le secteur de l’aide à la personne est inédite. Au moins 300 emplois sont à pourvoir dans ce domaine en Meurthe-et-Moselle et on estime à 10 000 le nombre potentiel de créations d’emplois non délocalisables dans l’ex-région Lorraine dans les 10 ans à venir dans ce secteur d’activité.
Mais dans l’attente de la réforme structurelle de la prise en charge de la perte d’autonomie que doit représenter la future loi Grand-Age, le Conseil départemental fait plus que témoigner de sa solidarité avec un soutien financier supplémentaire de près de près de 3 M€ (2,898 M€ très exactement)
- Pour les Ehpad, il s’agit très concrètement de la correction des effets négatifs de la convergence tarifaire de la loi ASV de 2018 en complément des orientations nationales, ce qui représente un appui supplémentaire de 335 000 €.
- Pour les SAAD, nous sommes engagés dans la préfiguration du nouveau financement qui devrait représenter une enveloppe supplémentaire de l’ordre de 970 000 € pour aider les SAAD à passer le cap difficile qu’ils traversent.
- Pour l’ensemble du secteur et dans la même optique nous avons acté dans le BP 2020 d’une augmentation des taux directeurs en 2020 de 0,5 à 1%, représentant une aide supplémentaire par rapport à 2019 de 1,593 M€.
Pour maintenir la dynamique des assises et dans le souci permanent de fédérer les acteurs de l’autonomie du département nous organiserons, le 6 mars 2020 une journée consacrée aux métiers de l’autonomie. Elle permettra à la Meurthe-et-Moselle de s’inscrire dans les débats qui accompagneront l’élaboration de la loi Grand Age qui, souhaitons-le, devrait être inscrite à l’agenda du Parlement et de mettre en valeur les initiatives locales telles que la constitution d’un Campus des métiers et de qualifications portées par l’OHS, l’AEIM en lien avec l’Education nationale et soutenues par le Conseil départemental.