Session du 24 septembre 2018 | Question au préfet de Meurthe-et-Moselle
Tirs de nuit du renard
Question de Sylvie CRUNCHANT, conseillère départementale du canton de Vandoeuvre-lès-Nancy
Monsieur le Préfet,
Depuis longtemps, le renard est malheureusement considéré comme nuisible alors que la communauté scientifique a largement démontré le contraire. Certains l’ont compris : il n’est plus chassé au Luxembourg, le préfet de Savoie, lui, l’a retiré définitivement de la liste des nuisibles. Au reste, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé en janvier 2018 l’arrêté préfectoral concernant les tirs de nuit d’un territoire de 170 communes de Moselle.
A la demande de la Fédération de Chasse de Meurthe-et-Moselle, un projet d’arrêté préfectoral autoriserait le tir de nuit des renards du 1er octobre 2018 à fin décembre 2018, alors qu’ils sont déjà chassés toute l’année puisque dits nuisibles.
Si les tirs de nuit étaient autorisés :
- Près de 100 communes seraient concernées pour 66 espaces naturels sensibles.
- Près de 70 communes seraient concernées pour 12 sites Natura 2000, désignés au titre des directives européennes Habitat/Faune/Flore et/ou Oiseaux.
- Certaines communes seraient également concernées pour 3 arrêtés préfectoraux de protection des biotopes, soit une réserve naturelle et une réserve biologique.
La Fédération de Chasse 54 déclare que, au cours des quatre dernières années, 4 869 lièvres ont été tirés et que 29 945 renards ont été tirés, déterrés, piégés.
Est-ce une politique en faveur de la biodiversité ?
De nombreuses associations se sont mobilisées (plus de 60 via le Collectif Renard Grand Est) ainsi que de nombreux scientifiques. Nombreuses sont les contributions envoyées aux services préfectoraux pour répondre à la consultation publique, dont la dernière pétition citoyenne qui a recueilli dès la première semaine 74 000 signatures.
Un nouvel arrêté autorisant le tir de nuit est-il utile ?
La demande d’autorisation de tirs de nuit du renard de la campagne 2017-2018 n’a pas été validée et chacun a su apprécier le bon sens de vos services.
Les destructions massives ne servent à rien et peuvent être dangereuses pour les écosystèmes (pullulation de rongeurs également détruits par la bromadiolone) et elles augmentent la prévalence des maladies pour les populations humaines.
Ces points ont été largement développés dans une motion déposée par le collège de scientifiques (Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel) nommés par le préfet de région : le Conseil s’opposait à ces destructions nocturnes.
Je vous remercie.
Réponse du préfet
Seul le prononcé fait foi.
Madame la Conseillère Départementale,
Le renard roux est une espèce chassable et cela permet son prélèvement par les chasseurs en période de chasse.
Au regard des abondantes déclarations de dégâts rassemblées par la Fédération départementale des chasseurs, l’espèce est classée nuisible dans le département de 2015 à 2018 par arrêté ministériel. Mais je souhaite vous rassurer : les populations de renard se portent globalement bien dans le département et ne sont nullement menacées d’extinction.
Le classement nuisible de l’espèce permet aux propriétaires et aux agriculteurs d’intervenir par piégeage toute l’année et par tir au mois de mars. En situation agricole, le droit de destruction revient essentiellement aux agriculteurs qui peuvent ainsi juger des intérêts et inconvénients d’une telle démarche (par exemple une maîtrise naturelle des campagnols avec le renard, comme vous l’évoquez, ou bien un risque de prédation par le renard sur les animaux domestiques).
Enfin, les lieutenants de louveterie ont été autorisés à prélever des renards de nuit pendant plusieurs années. Ces interventions temporaires visaient à accompagner sur certaines communes le développement des espèces de petit gibier autochtones (lièvres et perdrix grises) sur lesquelles le renard exerce une prédation. Il s’agit d’appuyer les chasseurs qui consacrent des efforts importants pour soutenir ces populations, efforts qui portent leurs fruits en particulier sur le lièvre.
J’ai sollicité des spécialistes (la fédération régionale de défense contre les
organismes nuisibles -FREDON- et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage) sur la problématique de la régulation du campagnol et, avec ces informations, je n’ai pas autorisé les louvetiers à intervenir sur les communes identifiées à risque pour le campagnol.
J’ai bien compris que cet arrêté autorisant les louvetiers à intervenir en tir de nuit sur le renard anime les réseaux sociaux.
C’est pourquoi j’ai demandé à mes services d’organiser un débat sur ce sujet au cours de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS) du 18 septembre 2018 en présence de M. BOOS (membre du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel -CSRPN-de Lorraine, missionné par la Fédération départementale des chasseurs) et de M. ARTOIS (enseignant retraité en école vétérinaire, sollicité par le Groupement d’étude des mammifères de Lorraine).
Au terme de ce débat, la CDCFS a émis un avis favorable au projet d’arrêté de tir de nuit du renard à des fins cynégétiques.
Étant donné les taux de prélèvement en journée, beaucoup plus forts que la nuit, il va de soi que ces autorisations de nuit ne menacent aucunement le renard.