Tribune du groupe SERCi | Magazine du Département de Meurthe-et-Moselle | n° 82, Avril 2023
Depuis le 19 janvier, les Françaises et les Français se mobilisent contre la réforme des retraites du Gouvernement. Derrière l’unité syndicale, le succès des journées d’action ne se dément pas : plusieurs millions de personnes défilent dans les rues chaque semaine pour s’opposer à ce projet. En Meurthe-et-Moselle, le mouvement s’amplifie à Nancy aussi bien qu’à Longwy et Toul.
Lors de sa dernière session, à l’initiative de notre groupe, le Conseil départemental a apporté son soutien au monde du travail en adoptant une motion demandant le retrait de cette réforme brutale et injuste qui aurait des conséquences néfastes pour notre démocratie sociale.
Une loi de régression sociale
Cette loi suscite dans le pays un profond sentiment d’injustice que le Gouvernement sous-estime. Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans est la mesure la plus contestée. Elle se ferait au détriment des personnes ayant commencé à travailler le plus tôt, souvent dans des carrières marquées par la pénibilité et la précarité : l’espérance de vie d’un ouvrier est de six ans inférieure à celle d’un cadre. De plus, elle réduirait mécaniquement le montant de certaines pensions et annulerait les effets des trimestres accordés pour les enfants. Pour les femmes, aux revenus souvent plus faibles et aux carrières fréquemment hachées, ce serait la double peine !
Aussi, les économies recherchées par le Gouvernement seraient amputées, dès son application, par de nouvelles et coûteuses mesures d’accompagnement, par exemple des séniors qui resteraient plus longtemps au chômage ou au RSA avant leur retraite. L’utilité même de cette réforme est d’ailleurs remise en cause par le Conseil d’Orientation des Retraites qui a plusieurs fois déclaré que les dépenses de retraites étaient relativement maîtrisées…
Enfin, en plus de réduire le temps de vie libéré de deux années, cette réforme fragiliserait l’aide intergénérationnelle existante mais non chiffrable, par exemple celle des aidants s’occupant de leurs proches en perte d’autonomie ou encore des grands-parents s’occupant de leurs petits-enfants. Elle retarderait aussi l’arrivée de bénévoles dans nos associations qui en ont terriblement besoin. Sur ces questions, le Département, collectivité de toutes les solidarités, est le premier concerné.
Un déni de démocratie
La méthode du Gouvernement suscite également de profondes incompréhensions. L’intégration dans un projet rectificatif de loi de finance était inadaptée. L’absence de dialogue avec les organisations syndicales dénote un manque de considération pour notre démocratie sociale. La limitation de la durée des débats parlementaires sur un sujet qui touche à la vie quotidienne de chacun, et l’utilisation de l’article 49.3 pour faire passer le texte sans vote de l’Assemblée sont la marque d’un véritable déni de démocratie.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, la responsabilité du Gouvernement est d’assurer le maintien de la cohésion sociale du pays. Le Président de la République, en prétextant qu’il avait mandat pour augmenter la durée de travail, a oublié les circonstances particulières de ses deux élections face à l’extrême droite. De plus, si la démocratie est évidemment marquée par des principes intangibles, sa pratique implique un certain degré d’adhésion et de légitimité populaire. Ces conditions ne sont visiblement pas réunies à ce jour.
Bien entendu, le processus législatif n’est pas terminé. Le Conseil Constitutionnel doit encore se prononcer et la question du Référendum d’Initiative Partagée (RIP) est sur la table. Mais ignorer le mouvement social n’aurait-il pas des effets plus dévastateurs pour notre démocratie ? La sagesse ne serait-elle pas, pour l’intérêt général, de suspendre cette loi, de la remettre à plat et de reprendre les négociations ?
Audrey Bardot, présidente, et l’ensemble des élu·e·s du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain et Citoyen