Session de juin 2023

Question d’actualité à la Présidente du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle

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Madame la Présidente,

Les Allocataires du Revenu de Solidarité Active sont-ils des fainéants ?

C’est ce que semble penser le Président de la République et son Gouvernement en remettant une fois de plus sur la table ce vieux débat sur les contraintes pesant sur les allocataires de ce revenu minimum avec le projet de loi « Plein emploi » qui met en parallèle des Allocataires du RSA face aux problèmes de recrutement des entreprises.

Le RSA, c’est quoi ?
Au départ, c’est le RMI avec le concept de solidarité à l’égard des exclus du travail : un filet de sécurité. C’est l’idée que nul ne peut se retrouver sans ressource, c’est la question de la redistribution des richesses.
Rappelons-le, le RSA s’élève aujourd’hui à 607 euros, c’est-à-dire 65% du seuil de pauvreté en France. Vous en conviendrez : à peine de quoi survivre, d’autant moins en ces temps d’inflation.
Nous n’enrichissons donc pas de prétendus « assistés » : nous luttons efficacement contre la grande pauvreté et agissons pour que tout le monde puisse vivre dignement, adultes comme enfants.
Et c’est sous notre responsabilité !
C’est vrai, le système est loin d’être parfait en terme de lutte contre l’exclusion et la pauvreté puisqu’elle augmente aujourd’hui, et plus encore la part des travailleurs pauvres.
L’emploi n’est plus une arme suffisante contre la pauvreté.

Si nous observons plus finement, le problème est davantage à chercher de deux côtés :

  • Du côté de l’État qui, à notre sens, ne lutte pas suffisamment contre le non-recours et ne prend pas suffisamment conscience des freins à lever pour accéder à un emploi ;
  • Du côté des entreprises qui n’ont pas pris la mesure des nombreux efforts qu’elles doivent réaliser pour garder et attirer leurs salariés.

Il semblerait d’ailleurs que l’obligation de travailler 15 à 20h en contre partie du RSA, bien que voulue par le Président de la République, ait disparu du projet de loi actuel. Des expérimentations sont en cours dans plusieurs Départements et la réalité s’impose déjà : selon les catégories de parcours (emploi, socio-professionnel ou social), ces fameuses 15-20h fondent à 2-3h, voire zéro…
Évidemment, si l’argent magique n’existe pas, l’emploi magique ne se décrète pas !
D’autant que cela supposerait beaucoup de moyens, des entreprises pour les accueillir, des tuteurs pour les encadrer, des professionnels pour construire et entretenir ces réseaux…
Derrière les arguments faciles, les yakafokons et les préjugés échangés autour du zinc, la faisabilité d’un tel projet pose sérieusement question à la fois dans sa mise en œuvre, ses moyens et son éthique.

Et avec cela, la question de la recentralisation de la compétence insertion, avec ce projet « plein emploi » se pose également. Ne sommes-nous pas en train de devenir des opérateurs de l’État ?
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à nous poser la question : les Missions Locales, nos partenaires qui œuvrent au plus près du terrain, seraient, elles aussi, englobées dans « France Travail Jeunes », menaçant l’approche globale sur laquelle elles ont été créées et pour laquelle elles sont reconnues. La question de leur gouvernance inquiète également.

Madame la Présidente, derrières tous ces mécanismes, n’a-t-on pas là, en substance, l’un des exemples de ce que nous percevons depuis quelques années, à savoir un processus de dévitalisation insidieuse des Départements, de recentralisation et de déshumanisation de nos politiques publiques ?

Je vous remercie.

Jennifer BARREAU

Conseillère départementale du Canton de Pont-à-Mousson

Réponse de Silvana SILVANI, vice-présidente déléguée à l’insertion :