Question de Denis KIEFFER sur le non-recours au RSA

Session du 22 mars 2022 | Questions d’actualité

Question de Denis KIEFFER, conseiller départemental du canton de Meine au Saintois

Lutte contre la pauvreté et le non-recours aux droits

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Madame la Présidente,

Le rapport de la Cour des comptes de janvier dernier sur le RSA n’est pas passé inaperçu. Parmi les points d’alerte observés, je retiens les suivants :  

  • La Cour dresse un bilan plutôt positif du RSA en termes de protection de la très grande pauvreté.

En revanche, elle constate que le RSA ne permet pas à lui seul de sortir de la pauvreté.

  • C’est pourquoi les politiques d’accompagnement du département et des collectivités locales qu’il s’agisse d’insertion sociale et professionnelle ou d’actions de lutte contre la pauvreté, en direction des familles et des enfants notamment, sont essentielles.
  • Constat plus alarmant : le RSA rate sa cible !

Le taux de non-recours au RSA évalué entre 30 et 35 % est confirmé encore par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). L’étude publiée en février constate qu’un tiers (34%) des foyers éligibles au RSA seraient non-recourants chaque trimestre, et un sur cinq (20 %) le serait de façon pérenne, c’est-à-dire trois trimestres consécutifs.

Quand on connait les règles d’attribution du RSA et l’éventail de ressources prises en compte, on ne peut évidemment pas se contenter de dire que c’est parce que ces personnes n’en ont pas besoin !

Quelles qu’en soient les origines (méconnaissance des droits, démarches administratives trop complexes ou jugées trop lourdes, l’illectronisme, ou encore la difficulté d’accès aux services…), ce non-recours a des conséquences sous-estimées qui affectent le quotidien de nos concitoyens, de leur pouvoir de vivre à leur santé. Privations, conditions de vie dégradées, sentiment d’abandon, ce phénomène n’est certainement de nature à favoriser l’insertion socio-professionnelle. Madame la présidente du Secours catholique évoque à ce sujet : « une plaie dans notre pacte social ».

Madame la Présidente, vous vous souvenez certainement comme moi de ce slogan « Faire plus pour ceux qui ont moins » et de la promesse du candidat Macron, puis du président Macron, d’instaurer un versement social unique et automatique. Une promesse jamais officiellement abandonnée, mais toujours reportée !

Notre majorité est pleinement engagée dans la lutte contre la pauvreté. L’accès aux droits sociaux est un axe majeur de cette politique. Comment le Conseil départemental pourra amplifier ses actions contre le non-recours et mettre en œuvre l’expérimentation d’un territoire zéro non-recours, à l’instar du territoire zéro chômeur de longue durée que nous connaissons bien ?

Je vous remercie.


Réponse de la vice-présidente déléguée à l’insertion, Silvana SILVANI

Cher-e-s collègues, Cher Denis,

Le non-recours reste, comme tu le soulignes fort bien, la principale problématique du RSA bien avant, selon moi, l’insuffisance de ses impacts sur le retour à l’emploi. Car le RSA est d’abord un outil de lutte contre la pauvreté qui garantit un minimum de ressources dans une logique de filet social ultime.

Le RSA représente un soutien de 135 millions d’euros en 2021. Il bénéficie à près de 20 000 foyers en bénéficie en Meurthe-et-Moselle ce qui représente plus de 44 000 personnes.

Mais dans un pays qui compte 9 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dont 5 millions d’enfants, un engagement de l’Etat pour l’automaticité de l’accès aux droits constituerait une réponse forte. Elle traiterait largement la question du non-recours. Les moyens informatiques et numériques de l’Etat devraient permettre cette évolution majeure. J’avoue ne pas comprendre pourquoi cette solution n’est pas été jusqu’ici considérée comme une priorité absolue.

Les dernières annonces du président ouvre sur ce point quelques perspectives. Car le non recours est clairement l’une des problématiques majeures de la lutte contre la pauvreté. Tu l’as rappelé, Denis, il se situe à près de 35%.

La complexité des situations, la lourdeur des démarches administratives, la fracture numérique et le manque d’accès à l’information des personnes sur leurs droits expliquent une bonne partie de cette situation. La stigmatisation à l’encontre des personnes dites « assistées » constitue un autre facteur d’explication.

Face à ces constats, le Département de Meurthe-et-Moselle s’engage pour faire évoluer son offre de service en faveur de l’accès aux droits.

  • Une première réponse est la proximité. Alors que la plupart des institutions se désengagent de leur présence physique, les 17 Maisons Départementales des Solidarités se déploient en près de 80 sites sur tout le territoire meurthe-et-mosellan.

Les équipes de professionnel-le-s :

  • réalisent chaque année plus de 75.000 actes d’accueil
  • rencontrent plus de 25.000 ménages,
  • accompagnent plus de 8.000 bénéficiaires du RSA
  • Outre l’évolution de l’accueil pour nous rendre toujours plus accessible, le Département développe, avec ses partenaires, des réseaux territoriaux d’accès au droit.

Dans le cadre de la dématérialisation du RSA décidée par la CNAF, l’offre de service du CD a été repensée avec ses partenaires et notamment les CCAS / CIAS pour garantir l’accès au RSA de tous les ayant-droits dans un contexte où le non-recours ne soit pas aggravé par la barrière numérique.

  • Ces réseaux se sont structurés autour des points d’accès numérique. Ils sont surtout le fruit des dynamiques partenariales construites dans le cadre de la territorialisation de notre organisation. Elle constitue un atout fort dont sont loin de disposer tous les Départements.

C’est dans la continuité de notre engagement en faveur de l’accès au droit que le Conseil départemental envisage, en effet, de se porter candidat à une expérimentation nationale de lutte contre le non-recours.

Dans son dernier rapport annuel « Faim de dignité – état de la pauvreté en France 2021 », le Secours catholique propose en effet aux collectivités de mettre en place des « territoires zéro non-recours ».

Dans le cadre de l’appel à expérimentation qui devrait être lancé par l’État, le Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle se portera candidat.

Le Gouvernement a, pour l’instant, promu l’idée dans le cadre de la loi 3DS en annonçant sa volonté d’accompagner 10 territoires zéro non-recours pour une durée de 3 ans.

La loi de finance de la sécurité sociale y a également fait référence. Elle propose de confier aux organismes de sécurité sociale une mission générale de lutte contre le non-recours sur la base d’un dispositif d’échange et de traitement de données personnelles entre organismes afin d’identifier les droits des bénéficiaires potentiels de prestations.

Cette dimension est fondamentale et toutes les démarches de non-recours buttent sur cette problématique d’identification. Une telle démarche nous rapprocherait d’ailleurs de l’objectif de l’automaticité des droits que j’évoquais précédemment.

L’administration départementale reste en veille. Mais, en l’absence de précisions et afin de manifester l’intérêt du Département pour cette expérimentation, la Présidente adressera prochainement un courrier au Premier Ministre ; une manière de prendre date car la concurrence entre les territoires candidats pourrait s’avérer rude.

Je vous remercie.