Lors de la session du 23 septembre 2024, les conseillers départementaux et conseillères départementales ont pu poser diverses questions d’actualité à Mme le Préfet de Meurthe-et-Moselle, Mme Françoise SOULIMAN.

Retrouvez le discours d’ouverture de Chaynesse KHIROUNI, Présidente du Département de Meurthe-et-Moselle :

Chaynesse KHIROUNIDiscours d'ouverture de la session du 23 septembre 2024

Madame la Préfète de Meurthe-et-Moselle,

Madame et messieurs les Sous-Préfets,

Mesdames et messieurs les directrices et directeurs des services de l’Etat,

Cher.e.s collègues,

Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,

Mesdames et messieurs,

 

Je débuterai mon propos en revenant sur l’été qui s’achève.

Une saison qui nous a donné des raisons d’espérer et l’envie de relever des défis.

Les Jeux olympiques et paralympiques ont été un beau moment de communion, aussi rare que précieux.

Je retiens des cérémonies éblouissantes et des performances impressionnantes bien sûr mais aussi tous les évènements sur nos territoires avec la mobilisation du Comité Départemental et Sportif de Meurthe-et-Moselle et du monde associatif pour partager cette fête populaire.

L’occasion de faire vivre les belles valeurs sportives que sont le respect et la solidarité mais aussi de construire une société plus inclusive en changeant de regard sur le handicap.

Dans une période morose, cette communion est arrivée comme par effraction, moment fugace qui s’est prolongé pour notre plus grand bonheur, offrant au monde notre plus beau visage et des bras grands ouverts.

Je crois que les Jeux olympiques et paralympiques ont été un refuge, celui d’un pays qui a soif de rêver à travers le sport et la culture mais aussi et surtout de collectif, de fraternité, de concorde…en somme, de vivre ensemble.

Nous avons profité de ces « jours heureux » alors que nous traversions une période non seulement morose mais troublée.

Comment oublier en effet qu’au lendemain d’élections européennes qui ont vu la sanction de sa politique, l’extrême-droite arrivée en tête, un homme, seul, a décidé qu’il était urgent de dissoudre l’Assemblée nationale ?

 Comment oublier qu’au lendemain d’élections législatives qui ont vu, avec une participation inédite, un front républicain efficace et une nouvelle sanction de sa politique, le même homme, seul, a décidé qu’il n’était pas urgent d’en tenir compte ?

Comment oublier que, deux mois plus tard, le même homme, seul, a décidé qu’il ne permettrait pas à la coalition arrivée en tête de former un gouvernement. Pire, il  décide, seul, de choisir un Premier Ministre issu du parti qui représente le moins de sièges à l’Assemblée nationale avec la complicité manifeste de l’extrême-droite ?

Par-delà le fracas du chaos semé dans la vie publique d’un pays qui n’en avait nul besoin, il est peut-être plus que temps de convoquer une assemblée constituante qui nous permette de nous rassembler pour rénover nos institutions et rendre au Parlement les pleins pouvoirs. Notre monarchie républicaine a vécu. Un homme, seul, par ses excès, nous en démontre jusqu’à l’absurde les dangers.

Il y a urgence à honorer le front républicain en remettant sur le métier le contrat social qui nous lie et dont trop de nos concitoyennes et concitoyens se sentent exclus. Urgence car, quand l’expression par les urnes semble devoir être ignorée, le risque est grand que la colère dégénère en violence.

Et je tiens ici à redire mon respect pour les femmes et les hommes de toutes sensibilités qui, au sein de cette assemblée et au-delà, ont fait le choix de la fidélité à leurs convictions républicaines en refusant toute compromission avec l’extrême-droite, une fidélité qui me permet de croire que nous pouvons transcender nos différences pour refonder une République débarrassée de ses oripeaux monarchiques.

Nous en avons besoin, profondément besoin, urgemment besoin pour construire des solutions qui répondent aux attentes de nos concitoyennes et concitoyens. Nous devons collectivement nous mettre au travail, nous parler, débattre…. Faire vivre la démocratie. Quel est le modèle de société que nous voulons ? Où sont les priorités en termes de solidarités ? Comment remettons-nous à l’ordre du jour la question fondamentale de la transition écologique dont l’urgence est chaque jour plus prégnante et qui a pourtant pour ainsi dire disparu du débat public, disparu du nouveau gouvernement ?

Et parmi les questions auxquelles il nous faut répondre, celle de la décentralisation mérite que nous nous y attardions quelques instants. Le fracas que j’évoquais précédemment ne me fait pas oublier  la publication à quelques jours d’intervalle des rapports Woerth et Ravignon.

Ils soulèvent des questions fondamentales sur les politiques de solidarités notamment.

Madame la Préfète, si, en Meurthe-et-Moselle, nous avons réussi à bâtir un partenariat solide et durable entre Etat et Département, si nous travaillons aujourd’hui sur un terreau fertile avec nombre de partenaires présents ce jour, ce n’est en rien un hasard.

  • C’est parce que ce partenariat a été patiemment construit et continue d’être nourri dans le respect des compétences de chacun.
  • C’est parce que nous travaillons dans le souci de la préservation des édifices professionnels et partenariaux qui sont autant d’alchimies complexes et dont la consolidation nécessite du temps long.
  • C’est aussi parce que nous partageons la finalité des politiques publiques de solidarité qui est avant tout d’accueillir, d’écouter, d’accompagner, d’être présent au plus près des personnes et de leurs besoins dans leur parcours de vie.

Nul besoin pour conforter un tel partenariat de faire peser la menace d’un « mécanisme de substitution », a fortiori quand est proclamée par ailleurs une volonté d’ouvrir un « temps de la confiance ». La confiance ne se construit pas par la menace, elle se construit par l’écoute et le dialogue. Nous le démontrons quotidiennement et je tiens ici à vous remercier, ainsi que l’ensemble des services de l’Etat représentés aujourd’hui. Nous n’avons pas toujours les mêmes priorités, nous ne sommes pas toujours d’accord mais nous cheminons ensemble, sans fracas, parce que les besoins et les attentes de nos concitoyennes et concitoyens commandent que nous recherchions des solutions.

Et trouver des solutions nécessite, nous le savons toutes et tous, des moyens. Je ne peux taire la gravité de la situation budgétaire à laquelle nous sommes confrontés comme l’ensemble des Départements. Les observateurs sont unanimes quant à sa dégradation brutale, de la Cour des comptes à la Direction générale des collectivités locales en passant par le service des études de la Banque postale et l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale, sans oublier l’adoption d’une motion d’alerte et de soutien par l’Association des Maires Ruraux de France.

Alors que nos dépenses continuent de croître à un rythme soutenu, entre besoins sociaux, inflation mais aussi et surtout décisions nationales pas ou mal compensées, c’est aujourd’hui à une véritable asphyxie que nous faisons face.

La réalité est là : nos collectivités doivent répondre aux besoins grandissants de nos habiant.e.s, qu’il s’agisse d’accompagner nos aîné.e.s en perte d’autonomie, de soutenir les familles touchées par la précarité ou encore de protéger les enfants en danger, tandis que nos ressources s’effondrent.

Nous ne pouvons pas faire encore plus avec toujours moins et c’est le service public local qui est aujourd’hui menacé quand pas moins d’une trentaine de Départements à l’échelle nationale se trouvent en difficulté.

Pourquoi les Départements doivent-ils constamment se battre pour obtenir des moyens à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées ? Le reste-à-charge qu’il nous faut assumer au titre des seules allocations individuelles de solidarité se monte à 100 millions d’euros chaque année ! 100 millions d’euros, c’est l’équivalent de notre budget d’investissement annuel. Vous rendez-vous compte ?

Dans ce contexte, que penser de l’annonce de la suppression de 500 postes en France au sein de la Protection judiciaire de la jeunesse ? Alors que nous sommes déjà confrontés à une crise sans précédent de la protection de l’enfance à l’échelle nationale. Comment l’aide sociale à l’enfance assumée par les Départements va-t-elle pouvoir accompagner les enfants qui ne pourront être pris en charge ?

Que penser également de l’annonce de la suppression de 1 500 postes d’internes dans les hôpitaux à la rentrée ?

Que penser encore de la perspective annoncée d’une diminution drastique du « fonds vert » dont les moyens seraient réduits de 60 % ?

Madame la Préfète, vous l’aurez compris, nous sommes profondément inquiets. Profondément inquiets car nous connaissons l’état de crise que vit notre société : économique, sociale, écologique, démocratique.

Sommes-nous pour autant résignés ? En aucune manière et les décisions dont l’Assemblée départementale débattra au cours de cette session le prouvent.

Après en avoir présenté les grands objectifs en novembre dernier, après avoir échangé avec d’autres territoires qui l’expérimentent, après avoir organisé une large concertation en juin, Lionel Adam proposera le règlement du Revenu d’Emancipation Jeune et le calendrier de sa mise en œuvre opérationnelle.

J’ai bien noté, Madame la Préfète, que les services de l’Etat suivront une telle expérimentation et en particulier son évaluation.

Le Revenu d’Emancipation Jeune est un choix politique fort que nous assumons car il confirme la jeunesse comme notre priorité.

La jeunesse, c’est l’âge des choix. C’est l’âge où des citoyennes et citoyens en devenir construisent ou tentent de construire leur place dans notre société. C’est l’âge des espoirs, des doutes et même des peurs.

Nous savons que l’école, la société laissent de nombreux jeunes sur le bord du chemin. En France, chaque année près de 80 000 jeunes quittent le système scolaire sans qualification. Près de 2000 pour la Meurthe-et-Moselle. Au delà des moyens nécessaires, nous peinons à réinventer l’école. Une école plus égalitaire, plus inclusive. Qui ouvre des horizons, donne les clefs pour s’adapter à un monde qui change.

Or, la jeunesse reste un angle mort de nos politiques publiques nationales. La familiarisation des aides sociales rend les jeunes dépendants de leurs parents, un modèle qui entrave leur chemin vers l’émancipation.

Avec l’expérimentation du revenu d’émancipation jeune, notre souhait est de pouvoir apporter une réponse à leurs aspirations, de leur permettre de se projeter dans l’avenir, de faire leurs propres choix, de leur redonner confiance, confiance en elles et en eux mais aussi confiance en nos institutions.

Nous nous nourrissons de l’expérience d’autres et notamment de la Métropole de Lyon et du Département de Loire-Atlantique. Une chose est certaine, c’est que dans ces territoires qui ont maintenant du recul, preuve est faite que cette main tendue a changé la vie de centaines de jeunes « en dehors des clous », des jeunes qui ont pu tracer leur propre chemin.

Une autre illustration de notre volonté d’avancer malgré un contexte financier difficile. Dans le strict respect du calendrier présenté dans le cadre de notre réponse à l’appel à projets de l’Etat, Annie Silvestri nous proposera de lancer un appel à candidatures en vue de déployer l’expérimentation « Avec vous pour vos droits ». Une expérimentation construite dans le cadre d’un partenariat exemplaire avec la Métropole du Grand Nancy, l’association ATD Quart Monde, les services de l’Etat, la Caisse d’Allocations Familiales mais aussi les professionnel.le.s et les habitants. Ce projet donne du sens à l’action publique dans sa forme la plus complète et la plus enthousiasmante.

Mettre nos publics aux cœurs de nos politiques publiques est une impérieuse nécessité. Evaluer leurs impacts est tout aussi important. Le rapport qu’Emilien Martin-Triffandier proposera pour renouveler notre politique publique départementale de participation citoyenne en est d’ailleurs une illustration supplémentaire.

Oui, ces expérimentations sont porteuses d’innovations, des innovations qui s’adressent aux populations fragiles pour contribuer à leur donner les moyens de leur émancipation.

Oui, dans une situation budgétaire difficile, nous continuerons à prendre des décisions fortes et à y consacrer des moyens.

Il nous faudra faire des choix, c’est certain.

Il nous faudra les faire en responsabilité, c’est nécessaire.

Sans néanmoins jamais nous résigner.

Je vous remercie.