Session départementale du 22 mars 2021 | Discours d’ouverture
Discours de Valérie BEAUSERT-LEICK, présidente du Conseil départemental
Extrait du Discours prononcé après un hommage à Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’état aux personnes âgées. Son engagement pour l’amélioration de la vie de nos anciens aura été sans faille et fut le fil conducteur de son action.
Un an de crise sanitaire
Cette session s’ouvre à nouveau sur un contexte sanitaire qui reste préoccupant en France et plus particulièrement dans notre région.
Nous enregistrons malheureusement depuis la semaine dernière une remontée des chiffres pour notre département avec :
Un taux d’incidence de 248,5 (il était à hauteur de 200, la semaine précédente), une situation sensible sur le pays-haut et des situations qui se complexifient sur les secteurs du bassin de Pont-à-Mousson avec un taux de 316 et du Toulois avec un taux de 262.
Nous vivons cette crise depuis maintenant un an. Un an où les vies de chacune et chacun ont été plus complexes, plus difficiles sur le plan psychologique et économique, des vies comme mises entre parenthèse pour beaucoup de Meurthe-et-Mosellans.
Après les deuils, les difficultés liées à l’emploi, le plus difficile à vivre reste une perspective floue, des échéances toujours repoussées d’un retour à une vie normale.
Le département au coeur de l’action dans la gestion de la crise
Evidemment, le département reste au coeur de l’action dans la gestion de la crise, avec ses partenaires : les communes, les intercommunalités, le CHRU, la préfecture et les services de l’Etat, l’ARS, les professionnels de santé mais aussi nos partenaires associatifs. Il n’est pas un jour sans que nous soyons mobilisés pour apporter une réponse sur le plan sanitaire notamment :
- en favorisant la coordination de la vaccination,
- en nous assurant de l’équité territoriale : c’est ainsi que j’ai proposé dès début janvier que les compétences du SDIS soient intégrées au dispositif général de vaccination afin de travailler, en lien avec les équipes du CHRU, sur l’approvisionnement et la logistique des centres de vaccination : de 11 centres initialement accordés, nous sommes passés à 32 centres. Je me réjouis que le gouvernement très récemment ait repris cette proposition pour l’élargir à l’ensemble du territoire français.
Toutes les semaines, nous nous réunissons avec le préfet, l’ARS, le CHRU, le SDIS et les coordinations des professionnels de santé pour échanger sur l’avancée et sur les difficultés rencontrées, et construire les solutions à mettre en place.
La campagne de vaccination
Bien sûr, la campagne de vaccination connaît des aléas. Mais pas de polémiques stériles et démagogiques qui au final, non seulement n’apportent rien mais discréditent aussi le travail continu des acteurs de la vaccination sur le terrain.
Il me paraît important au contraire d’avoir un regard lucide sur la situation. Nous avons dû faire face à la pénurie de vaccin, aux livraisons aléatoires, aux réajustements de dernière minute.
Or, cette situation est le résultat de la course effrénée dans l’achat de stock de vaccins où la loi du plus fort et du plus offrant a déstabilisé l’approvisionnement mondial.
Le vrai sujet de fond à poser est :
- Comment, dans une telle situation internationale a-t-on pu accepter que des laboratoires internationaux spéculent sur la santé ?
- Comment a-t-on laissé des vaccins devenir la seule propriété de sociétés alors même que nous étions collectivement engagés dans une course « pour la vie » ?
Alors oui, j’ose exprimer que les vaccins contre la covid devraient être « un bien commun universel ».
Au printemps 2020, Emmanuel Macron interrogeait : « serons-nous prêts, lorsqu’un premier vaccin sera mis sur le marché, à en garantir l’accès à l’échelle planétaire et à éviter à tout prix le scénario d’un monde à deux vitesses, où seuls les plus riches pourraient se protéger du virus et reprendre une vie normale ? ».
En janvier 2021, le directeur de l’OMS, Monsieur Tedros Adhanom GHEBREYESUS évoquait la probabilité d’un « échec moral catastrophique ».
Or, poser ce principe d’un vaccin anti-covid comme bien commun universel, c’est avant tout bousculer une conception économique et sociale aujourd’hui dépassée par les enjeux de la crise, c’est demander aux gouvernements de lever le droit de propriété intellectuelle.
Poser ce principe, c’est poser un autre regard sur la santé et sur l’accès aux soins et c’est aussi regarder lucidement les conséquences de la privatisation de ces vaccins : des industriels qui n’arrivent pas à suivre la demande mondiale, ce qui est normal quand la recherche ne bénéficie pas à tous et qu’il s’agit de préserver les brevets et leurs dividendes quand bien même cette recherche a pu bénéficier de fonds publics.
Cela veut dire aussi :
- Que nous perdons chaque jour un temps précieux.
- Que les citoyens n’ont pas les mêmes chances d’accès à la vaccination.
En portant le combat d’un vaccin qui devienne un bien commun, nous défendons, le droit de tous, ici en Meurthe-et-Moselle et au-delà, à être protégés mais aussi nous défendons, pour l’ensemble des pays, un retour à une vie plus normale. C’est pourquoi, je vous invite à défendre cette position et à conforter la motion qui vous sera proposée.
Apporter des réponses à la jeunesse en difficulté
Notre département est mobilisé pour répondre à celles et ceux qui en ont besoin.
Il est mobilisé au quotidien – et je tiens à remercier notamment nos équipes et nos travailleurs sociaux qui, par leur engagement, permettent que nos services restent ouverts au moment même où la plupart des services publics ne sont plus accessibles. Ils répondent présents pour apporter des solutions et là encore, nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires.
Cette présence continue garantit à chaque Meurthe-et-Mosellan de pouvoir être accompagné et de trouver une solution.
Car la crise n’épargne personne et de nouvelles populations sont percutées par les conséquences de cette crise. Je pense aux étudiants, mais pas seulement.
Une grande partie de notre jeunesse est aujourd’hui en souffrance et le malaise grandit jour après jour. Comment se projeter dans une société qui casse le lien social, qui vous isole en matière d’enseignement et qui n’offre pas de perspective d’emploi ? Les situations de détresse se multiplient, on parle même de la 4e vague de la covid dans ses conséquences psychologiques…
Là encore, nous avons le devoir de répondre présents et nous sommes présents pour que notre jeunesse puisse aussi bénéficier d’un filet de sécurité.
Nicole CREUSOT aura l’occasion de vous détailler des actions spécifiques à destination des étudiants dans le cadre des questions d’actualité.
Mais je peux déjà vous confirmer que tous les leviers sont activés pour apporter des réponses concrètes à ces situations, et construire aussi des réponses nouvelles, face à de nouveaux besoins : en matière d’alimentation, de logement, voire d’aide psychologique.
Sur ce dernier point, je souhaite que nous puissions valider ensemble dès avril un partenariat avec l’Université de Lorraine pour accompagner les situations de détresse psychologique que vivent de nombreux étudiants.
Je soulignerai aussi l’importance de l’engagement citoyen qui permet de rompre avec la solitude et de se sentir utile aux autres. De même, pour les services civiques qui sont autant de leviers importants de l’accompagnement, ainsi que notre soutien aux missions locales.
Cette jeunesse sacrifiée à laquelle le Conseil départemental entend garantir un filet de sécurité doit pouvoir bénéficier d’un vrai dispositif de soutien à l’entrée dans la vie adulte.
Les chiffres sont alarmants :
- en 15 ans, le taux de pauvreté des 18 – 29 ans est passé de 8 à 13%.
- 22% des jeunes qui ne vivent pas chez leurs parents sont en situation de pauvreté.
Qu’attendons-nous pour enfin répondre à ces situations qui hypothèquent l’avenir ?
Le revenu de base est devenu un rendez-vous manqué dont le gouvernement est responsable en nous interdisant d’expérimenter dès 2018.
Que de temps perdu ! Ce revenu de base, aujourd’hui, aurait été une réponse à l’urgence des plus jeunes, une réponse tout à fait pertinente et adaptée.
Il aurait pu être cette expérimentation nécessaire à la mise en place d’un Revenu Universel d’Activité qui est en panne aujourd’hui bien qu’il soit acté dans la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.
Le gouvernement parle de dispositifs tels la garantie jeunes, « un jeune, une solution » : ces dispositifs ne répondent pas à toutes les situations. Certains politiques proposent même le droit de recourir à un prêt ! Quelle outrecuidance !
Cessons d’être dans les intentions : la lutte contre la pauvreté dans le Plan de relance représente moins de 1% des sommes engagées.
Que dire aussi de la volonté de mettre en oeuvre la réforme de l’assurance-chômage, qui devient pour le gouvernement la priorité alors que toutes les analyses convergent pour dire que cette réforme va encore fragiliser de nombreux parcours et renforcer les phénomènes de précarisation ! (Par contre, le RUA et la loi Grand Âge c’est pour après-demain !) Nous avons un gouvernement qui ne tire pas suffisamment les enseignements de la crise sanitaire tant sur le plan de l’accès aux soins que sur celui d’un Pacte social renouvelé par la prise en compte des questions de solidarité.
Or, construire une société à deux vitesses n’a aucun avenir.
S’engager sur l’avenir, c’est construire les bases sereines et viables d’une relance collective et également sociale. C’est concevoir que l’investissement social n’est pas un coût mais un investissement pour l’avenir, pour l’ensemble de la société.
Vous l’aurez compris, j’attends des actes forts, car le mal-être est certainement aujourd’hui, l’une des souffrances qui se développe le plus dans la population. Il est compréhensible face à une situation anxiogène, face à une situation économique incertaine et face à l’isolement social.
J’attends aussi des actes forts face à des situations inacceptables où on peut se demander si l’humain a encore du sens.
Je saisis ici l’occasion d’alerter – une fois de plus – sur des situations qui aujourd’hui posent question quant à l’avenir que nous offrons à certains jeunes qui nous sont confiés dans le cadre de la Protection de l’enfance, que nos équipes ont accompagnés, que des établissements scolaires ont accueilli, que des CFA et des patrons forment.
Depuis, plusieurs mois, des jeunes majeurs ex-mineurs non accompagnés, mais aussi un mineur, sont victimes d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).
Derrière Mamadou, jeune guinéen, brillant élève à Boutet de Monvel, menacé d’expulsion, ce sont des espoirs et une vie en devenir brisés par ces mesures d’OQTF, incompréhensibles et je le redis, inacceptables.
Derrière Olivier, Léa, Drifa et Maryline, Sarah, ce sont des éducateurs, des infirmiers qui savent les difficultés, les angoisses, les drames personnels qu’ont traversé ces jeunes mineurs : ils les accompagnent et tentent de redonner du sens et de la perspective à leurs parcours de vie cabossé.
Derrière Alexis, Lauriane, Véronique, ce sont des équipes éducatives et pédagogiques qui ne comprennent pas pourquoi leur élève, si intégré, si volontaire se voit prononcer une OQTF…
Derrière Patricia, Arnaud et Lucie, boulangers, ce sont des « patrons solidaires » qui aujourd’hui dénoncent l’expulsion de leur apprenti.
Aussi, il devient urgent que le gouvernement mette en cohérence ses politiques : celle de la protection de l’enfance et celle liée à sa politique migratoire.
Un état qui nous confie ces jeunes mineurs pour mieux les expulser après deux, trois, quatre années d’accompagnement social, scolaire et professionnel, c’est tout simplement inacceptable.
J’avais déjà eu l’occasion d’interpeller le ministre Adrien TAQUET sur cette question à l’automne 2020. Je viens de le ré interpeller dernièrement et j’attends une réponse à ces contradictions.
Notre département est vigilant pour sa jeunesse, il l’est aussi pour ses aînés.
Je ne peux pas ne pas évoquer la situation de nos aînés qu’ils soient à domicile ou en établissement.
Depuis plusieurs mois, nous avons avec Annie Silvestri instauré un rendez-vous régulier avec les directeurs d’EHPAD afin de faire un point de situation renforcé sur l’évolution du virus, de la vaccination et aussi l’évolution des protocoles sanitaires à destination des résidents et de leurs familles car nous savons combien le lien social est primordial.
Nous travaillons tous dans la limite de nos moyens et de nos compétences respectives à faire que nous puissions entrevoir un retour à la normale le plus rapide possible.
Cet engagement vis-à-vis de nos aînés se traduit aussi dans le travail important mené dans le cadre du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) et avec lequel nous avons élaboré un schéma départemental de l’autonomie traçant le cap en matière de participation citoyenne de la personne, de choix de son habitat et de son parcours.
Nous restons mobilisés pour nos aînés et encore plus dans une période ou plus que jamais nous devons être à leurs côtés.
Nous agissons de la même façon aux côtés des services d’aide à domicile et des établissements médico-sociaux.
Adapter le service public et poursuivre la mobilisation
Autant cette crise, dans ses multiples formes – sanitaire, sociale et économique – est un défi constant pour le conseil départemental en termes de réactivité et d’agilité, autant elle souligne, s’il en était besoin, l’importance de nos politiques publiques.
Je vous proposerai donc au cours de cette session que nous puissions adapter des dispositifs d’aides exceptionnelles, comme le Fonds départemental de relance en permettant aux associations d’être bénéficiaires, en plus des collectivités.
Le milieu associatif fait partie des secteurs très touchés, il est donc impératif de conforter nos aides à destination des acteurs locaux. Catherine BOURSIER aura l’occasion de détailler ce dispositif.
Si nous devons poursuivre notre mobilisation face à la crise, nous devons aussi rester déterminés pour préparer la reprise, pour se projeter dans la vie d’après.
On le sait, cet « après » que nous appelons tous de nos voeux ne peut s’imaginer sans enclencher une évolution marquée notamment en transition écologique, face aux enjeux de demain.
La nécessité de bâtir une société plus soucieuse du respect de l’environnement, de la préservation des ressources naturelles, doit être ici réaffirmée, amplifiée, et partagée de façon encore plus large et soutenue.
Car en effet, le défi écologique pour être relevé doit être collectif.
Le département, engagé de longue date sur ces questions environnementales, dans le cadre du PCNG, du SPASER, de la Charte des achats locaux, dans le cadre de son soutien au monde agricole, joue un rôle majeur pour aider à l’émergence d’actions d’engagement des citoyens, c’est le sens du rapport qu’Audrey BARDOT NORMAND vous présentera.
Je ne le réaffirmerai jamais assez, mais je crois davantage aux synergies que nous sommes capables de créer quand nous nous rassemblons pour agir.
Cette façon de concevoir l’action publique m’amène inévitablement à être interrogative face aux aventures individualistes primant sur l’intérêt collectif, pire quand ces mêmes aventures sont encouragées par le gouvernement.
Je pense à la Communauté Européenne d’Alsace pour laquelle j’aurai l’occasion de préciser ma position lors d’une réponse à une question d’actualité. Il me semble en effet important de rappeler que coopérer ne signifie pas perdre son identité, mais bien s’enrichir mutuellement de nos identités respectives.
Pour relever les défis qui sont les nôtres, pour construire l’avenir, nous avons plus que jamais besoin de solidarité d’action et nous avons besoin d’équité territoriale pour faire que la dynamique créée, profite à tous.
Aussi, je reste convaincue que la réussite repose sur le fait de partager un avenir commun.
Comment conclure si ce n’est en répétant que notre département reste offensif dans sa capacité à être aux côtés de chaque Meurthe-et-Mosellan et davantage aux côtés de celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Il l’est,
- Dans notre combat collectif face à la covid-19.
- Dans notre accompagnement des acteurs du monde associatif culturel, sportif, d’éducation populaire, dans notre soutien aux acteurs locaux et aux collectivités.
- Dans notre soutien aux entreprises grâce au maintien de la dynamique de nos marchés publics, et des avances sur recettes que nous versons.
Et évidemment, il l’est, au quotidien dans la proximité et en solidarité des Meurthe-et-Mosellans.
Cette mobilisation intense, indispensable, solidaire, elle est le fruit de l’engagement de nos 3 000 agents au quotidien : acteurs des solidarités, acteurs de l’accompagnement des évolutions de la société et des territoires.
Je ne pouvais pas terminer mon intervention sans penser à nos agents qui vivent eux aussi cette crise depuis un an.
Par leur mobilisation, par leur souci de l’intérêt général, ils permettent à notre département de rester une collectivité proche et solidaire.
Je tenais ici, une nouvelle fois, à les en remercier.