Session du 28 septembre 2020 | Questions d’actualité au préfet de Meurthe-et-Moselle

Accaparement des terres, « phénomène sociétaire » et leviers d’action de la SAFER

Question d’Audrey BARDOT NORMAND

1ère vice-présidente, déléguée à l’agriculture et l’environnement, Conseillère départementale du canton de Neuves-Maisons
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Monsieur le Préfet,

Je souhaiterais, si vous me le permettez, vous interpeller au sujet de ce qu’on appelle en agriculture le « phénomène sociétaire », qui a pour but de contourner les droits de préemption de la Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (SAFER) et qui a comme conséquence l’agrandissement à outrance de certaines exploitations agricoles, l’accaparement des terres par quelques-uns et une flambée des prix incontrôlable.

Le fond du problème : une partie des changements de propriétaire des terres agricoles qui échappent au contrôle de la SAFER. En effet, lorsqu’il s’agit d’une société d’exploitation agricole (EARL, GAEC, SCEA, SA, SARL, …) ou d’une société de portage du foncier (GFA, GFV, SCI agricoles), les SAFER ont la possibilité de préempter les cessions lorsqu’elles concernent 100 % des parts, mais dès lors que la cession est partielle (à 99,9% de parts par exemple), elles ne peuvent plus préempter.

Comme elles ne le font pas, les acquéreurs proposent des prix supérieurs au marché pour inciter les propriétaires à vendre.

Ce qui est dramatique, c’est qu’aujourd’hui en Meurthe-et-Moselle, le nombre d’hectares agricoles qui échappent au contrôle de la SAFER est supérieur au nombre qui y est soumis et qu’en plus, cela profite à un nombre extrêmement restreint d’acquéreurs.

Pour vous donner des chiffres : en 2018 et 2019 en Meurthe-et-Moselle la SAFER a attribué 1 056 hectares à 182 bénéficiaires ; et parallèlement se sont vendus 1 920 hectares à 16 bénéficiaires !

Ces cessions ne profitent pas à des projets d’installation mais aboutissent à une concentration de terres agricoles par des exploitations agricoles locales ou un accaparement de foncier par des non-agriculteurs. Cela pose évidemment un problème d’un point de vue de l’économie agricole, mais aussi de souveraineté nationale, par exemple dans le Pays-Haut où des terres sont acquises de cette manière par des Luxembourgeois. Cela pose également un problème en termes de préservation de l’environnement, les trop grosses exploitations étant les plus dépendantes des pesticides et conduisant à une chute de la biodiversité.

Une loi foncière avait été annoncée par le Président de la République en 2018. Si elle est urgente pour la profession elle l’est aussi au nom de l’intérêt général ; pouvez-vous nous dire où nous en sommes et également faire remonter nos vives préoccupations locales au niveau national ?

Je vous remercie.