Question de Séverin LAMOTTE sur le pouvoir d’achat des agents de la collectivité et l’attractivité de la fonction publique territoriale

Session départementale du 20 juin 2022 | Questions d’actualité

Question de Séverin LAMOTTE, conseiller départemental du canton de Val de Lorraine Sud

Attractivité professionnelle de la fonction publique territoriale

Madame la Présidente,

La crise du pouvoir d’achat que nous traversons touche les plus fragiles d’entre nous. Cette crise touche également les travailleurs. Elle touche nos agents dont le pouvoir d’achat s’est érodé par le gel du point d’indice quasi-gelé depuis 2010. Les salaires dans la fonction publique, corrigés de l’inflation, auraient diminué de 0,7% en 10 ans. Dans le même temps, les salaires du privé augmentaient, eux, de près de 5%.

Peut-on accepter que l’engagement pour le service public se fasse au détriment des agents et de la rémunération du travail qu’ils effectuent au nom du service public ? Alors que le candidat Macron a promis un dégel du point d’indice, son gouvernement provisoire a lui indiqué que cette mesure apparaitrait dans le projet de loi « pour le pouvoir d’achat ». A quelle hauteur sera-t-elle arbitrée ? Cette revalorisation a un coût, que nous estimons – si je ne me trompe pas – pour les agents départementaux a près de 1 million d’euros par point. L’équation budgétaire sera donc difficile pour les collectivités si l’Etat ne compense pas, ou pour partie seulement, cette revalorisation nécessaire. Les finances départementales, à elles seules, pourront-elles couvrir ces augmentations de masse salariale qui s’annoncent conséquentes ?

Au-delà de la considération de la mission publique, les enjeux d’attractivité de certains métiers sont également importants. Les personnels soignants et les personnels du médico-social n’oublient pas les tergiversations gouvernementales autour du Ségur de la Santé ! Rappelons aussi que les professionnels du social et du médico-social ont été aux avant-postes de la crise sanitaire que nous avons traversée ces deux dernières années. Les services départementaux ont d’ailleurs été parmi les seuls à être restés accessibles durant la période covid et les professionnels nous le disent : les MDS ont souvent été la seule porte d’entrée ouverte du service public sur cette période difficile.

Madame la Présidente, dans le contexte que nous connaissons, pouvez-vous nous rappeler succinctement les mesures mises en œuvre par le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle pour favoriser l’attractivité professionnelle au sein de notre collectivité ?

Je vous remercie.

Réponse de Michèle PILOT, vice-présidente

(Seul le prononcé fait foi.)

Cher Séverin, Cher collègue,

Merci d’aborder cette question relative aux ressources humaines de collectivité.

Comme tu l’as mentionné, nous sommes face à des enjeux nationaux de taille concernant l’attractivité des métiers de la fonction publique et plus précisément dans notre cas de la fonction publique territoriale. Concernant les départements, c’est notre « cœur de métier » qui est en proie à des tensions avec des difficultés structurelles d’attractivité sur les métiers de la filière sociale et médico-sociale. J’y reviendrai.
Au cours des différentes élections, et la présidentielle 2022 en a encore été l’illustration, certains évoquent à loisir les coupes budgétaires à faire dans le service public, les milliards d’économie à imposer aux collectivités. Il y aurait aussi trop de « fonctionnaires » qui ne serviraient qu’à faire « fonctionner » – comme cela a déjà été entendu dans cette assemblée ; ou trop « d’administration administrante » comme cela a été dit par une candidate à la présidentielle. Elle promettait un plan massif de suppression de 150 000 postes !

Dans ce débat politique, l’heure n’est plus – et c’est heureux – au « fonctionnaire bashing ».
Le contexte économique que nous connaissons avec une inflation galopante remet au cœur du débat public la question du pouvoir d’achat des agents publics et de leur rémunération. L’espoir d’une revalorisation du point d’indice est salutaire, car la fonction publique ne peut pâtir plus longtemps d’un gel des rémunérations de base de ses personnels. N’oublions pas que derrière cette question de la rémunération indiciaire, il y a aussi le calcul des pensions de retraites qui se joue.

Le chantier de la revalorisation des grilles indiciaires est également un chantier qui devra être ouvert pour contrer l’effet de tassement des grilles indiciaires constaté par la hausse plus rapide du smic. Il y a là un enjeu majeur d’attractivité qui se pose, mais aussi de lisibilité pour permettre, aux jeunes notamment, de mieux se projeter vers cette voie du service public et leur redonner des perspectives de carrières. Il y a aussi un enjeu d’équité et de valorisation des responsabilités.

Promis et annoncé, ce déblocage des rémunérations de base des agents publics serait donc un premier frein levé pour les collectivités comme la nôtre qui constatent un déficit d’attractivité et qui doivent garder des attraits pour les agents en fonction.

C’est en ce sens que notre collectivité mène une politique salariale basée sur une équité et une cohérence globale via son régime indemnitaire.

Au total, c’est 9,5 M€ que le département consacrait jusqu’à présent à cette modulation salariale qui tient compte des fonctions, de l’expertise et de l’engagement professionnel ; sans compter le budget consacré au maintien du régime indemnitaire antérieur (loi 1984) de 6,4 M€.

Je rappellerai la délibération que nous avons votée en mars dernier et qui a permis un réajustement de ce régime indemnitaire avec un budget supplémentaire de 800 000 €. Cette adaptation ciblée concerne près de 500 agents et vise à répondre aux enjeux d’attractivité de certains métiers de la collectivité, notamment les postes à forte technicité et/ou en situation d’encadrement.

Cette semaine, en pleine cohérence avec le soutien apporté en de multiples occasions à la nécessaire revalorisation des métiers des solidarités, il vous est proposé dans le cadre du budget supplémentaire d’inscrire les crédits nécessaires à la mise en place de la prime de revalorisation des personnels des filières sociale et médico-sociale du Conseil départemental qui exercent, à titre principal, des fonctions d’accompagnement socio-éducatif. C’est ainsi 1.2 M€ que l’on vous propose de budgété pour 2022, soit 1.6 M€ en année pleine.

A l’issue d’un dialogue avec les organisations syndicales, une délibération de l’assemblée devra détailler les modalités d’application de cette prime facultative de 183 € nets par mois.

Ce nouvel effort de rémunération catégorielle intervient en complémentarité de mesures prises récemment à l’initiative de la collectivité. Je pense notamment à la revalorisation du régime indemnitaire des assistants territoriaux socio-éducatifs (ATSE) et des éducateurs de jeunes enfants (EJE) à leur passage en catégorie A en 2019, et à la transformation du cadre d’emploi d’ATSE en 2021. Des mesures qui peuvent paraitre techniques, mais qui témoignent d’un soutien spécifique et d’une attention particulière de la collectivité à ces métiers.

Le réajustement du régime indemnitaire et l’inscription de la prime de revalorisation sont deux engagements forts de la politique salariale de collectivité pour l’année 2022.

Enfin, je serai incomplète si je n’évoquais pas :
• Toute la politique RH organisée depuis 2018 autour de l’agenda social et l’ensemble des mesures mises en oeuvre pour favoriser une meilleure conciliation vie professionnelle / vie personnelle des agents (cycles de travail, télétravail) ;
• La politique d’action sociale renforcée autour de la protection santé et la prévoyance.
• Les efforts entrepris pour l’égalité professionnelle incluant des mesures de prévention de l’usure professionnelle, essentielle pour certains métiers.
Ce sont l’ensemble de ces leviers, à la main de la collectivité, qui nous permettent de valoriser « la collectivité que nous sommes ».

Pour conclure, je voudrais rappeler le travail engagé en lien avec le projet départemental autour du projet d’administration qui permet aussi de redonner du sens aux missions portées par nos agents, dans une collectivité on peut être fier/fière de servir le service public.

A quelques jours des cérémonies des agents médaillés et retraités, on sait reconnaitre l’engagement de nos personnels dans leur travail quotidien et respectif et dans leur engagement personnel et collectif.

Et je sais aussi, chers collègues, pouvoir compter sur vous pour être les ambassadeurs de notre collectivité, car il nous faut mieux faire connaître nos 120 métiers et ceux qui ont de plus grands besoins.

Je vous remercie.