Session départementale du 22 novembre 2021 | Questions d’actualité

Retour de la conférence intergouvernementale franco-luxembourgeoise

Question de Vincent HAMEN, vice-président délégué au transfrontalier et aux relations internationales

https://www.facebook.com/54agauche/videos/651264955901542

Réponse de Chaynesse KHIROUNI, présidente du Conseil départemental

Seul le prononcé fait foi.

Chers Collégues,

Merci de m’interpeller, à nouveau, sur cette question de la coopération transfrontalière qui reste un enjeu important pour notre territoire et pour l’assemblée départementale.

Depuis 1998 et en de nombreuses occasions, notamment sous l’impulsion des élus locaux, le Conseil départemental a multiplié les actions et projets de coopération avec ses voisins allemands, belges et luxembourgeois. En posant les bases d’une stratégie européenne et transfrontalière, le Département a ainsi renforcé son engagement dans le champ politique via les sommets des Exécutifs de la Grande Région et les instances locales de coopération transfrontalière. Toutefois, il convient de souligner s’agissant de la Conférence intergouvernementale franco luxembourgeoise (CIG), que depuis 2018, les conseils départementaux n’y ont plus qu’un statut d’invités, ce que naturellement, je déplore.

Comme vous le soulignez, une conférence intergouvernementale franco-luxembourgeoise s’est tenue le 19 octobre à Esch-Belval. Suite à cette réunion, on peut y noter quelques avancées :

  • Passage à 34 jours de télétravail autorisés pour les travailleurs frontaliers, au lieu de 29 jours.
  • Engagement de 110 millions d’euros supplémentaires pour l’investissement ferroviaire pour les années à venir.
  • Accord en matière de sécurité.
  • Accord sur Esch 2022, capitale européenne de la Culture.

Si cela ne va clairement pas assez loin, toutes avancées opérationnelles est néanmoins fortement appréciées notamment par les Meurthe-et-Mosellans qui franchissent la frontière chaque jour.

Cette conférence intergouvernementale aurait mérité un temps de travail et de préparation en amont entre le gouvernement français et les collectivités locales. L’absence de méthode de travail ne nous permet pas d’avancer efficacement, j’ai eu l’occasion de le préciser au Ministre des affaires européennes, Clément Beaune.

La mobilité des frontaliers est un des enjeux majeurs pour les années à venir : nous l’avons encore vu tout récemment avec le projet de tram-train. Sans coopération ni concertation, le tram s’arrête à la frontière et c’est un bus qui prend le relais, bien loin de l’ambition collective que nous portions et surtout n’offrant pas la continuité et le niveau de service que les frontaliers pourraient en attendre. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’échanger avec le Premier ministre luxembourgeois, pour lui indiquer notre insatisfaction sur ce sujet et lui rappeler notre attachement à mettre en place des instances de consultations pour faire que les territoires voisins puissent travailler de concert sur les projets ayant un impact des deux côtés de la frontière.

Il nous faudra pour cela coordonner en amont, du côté français, des propositions structurantes, notamment en matière de transports, de développement d’offres d’éducation et de formation, d’accompagnement des transitions énergétique, environnementale, numérique et industrielle.

Au sein des instances de coopération transfrontalière, nous défendons dans cet objectif la mise en œuvre d’un fonds de codéveloppement entre la France et le Luxembourg qui doit nous permettre de développer des projets concrets. Cette proposition, le Conseil départemental la soutient depuis 2019 dans le cadre du rapport départemental sur le codéveloppement et nous soutiendrons l’ensemble des démarches qui iront dans ce sens.

Plus que jamais, ce fond est d’actualité pour trouver un équilibre dans le financement de projets nécessaires à nos territoires, à nos concitoyens, qu’ils habitent d’un côté ou de l’autre de la frontière.

De plus, comme vous le savez, la France assure depuis le 20 janvier 2021, et pour deux années, la présidence du Sommet des exécutifs de la Grande Région, qui fédère les exécutifs de Wallonie (Région wallonne, Fédération Wallonie-Bruxelles, Communauté germanophone de Belgique), du Grand-Duché du Luxembourg, de la Sarre et de Rhénanie-Palatinat, ainsi que les exécutifs lorrains (Préfecture de Région, Départements la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et de la Moselle, Région Grand Est).

Je vois en cette présidence française une opportunité de porter au niveau national (à Paris, à Bruxelles, à Berlin, à Luxembourg) et au niveau européen les intérêts et enjeux notamment fiscaux des territoires frontaliers. Même si, je le sais, l’élection présidentielle française risque de retarder l’avancée de certains dossiers. En effet, les deux cheminements (co-développement et négociation sur la fiscalité) ne me paraissent pas antinomiques.

L’asymétrie des ressources fiscales entre le Nord-Lorrain et le Luxembourg demeure un facteur structurel de déséquilibres, qui nécessite une réflexion volontaire entre Gouvernements. Cette question nécessite un engagement fort de l’Etat.  Ces discussions relèvent de son niveau de compétence, et nous prendrons en tant que département, notre part.

Je souhaite d’ailleurs que ces discussions entre état avancent car certains enjeux  deviennent cruciaux comme les problématiques liées à la prise en charge de l’autonomie. Le Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle dénonce en effet, depuis 2016, la situation d’un certain nombre de Meurthe-et-Mosellans ayant effectué l’intégralité de leur activité professionnelle au Luxembourg. A ce titre, ils perçoivent une pension de retraite versée par le Luxembourg. Ces personnes dites « mono-pensionnées luxembourgeoises » restent également affiliées au régime de sécurité sociale luxembourgeoise et devraient par conséquent bénéficier des prestations de l’assurance-dépendance. Or, en pratique, l’accès à ces prestations s’avère compliqué voire impossible. Cela contraint les personnes concernées, en cas de perte d’autonomie, à demander le bénéfice des prestations françaises notamment l’APA et la PCH. Or, cette situation fait reposer sur les contribuables Meurthe-et-Mosellans une charge qui devrait être financée par l’assurance-dépendance luxembourgeoise.

Nous continuerons à suivre attentivement les enjeux de la coopération transfrontalière, notamment dans le cadre de la présidence française du Sommet des exécutifs de la Grande Région.  Je serai personnellement attentive aux réflexions autour des enjeux de fiscalité et la manière dont nous pouvons faire avancer cette question.